Desmond Doss

Un homme est entré dans l’histoire en devenant l’un des plus célèbres infirmiers de la Seconde Guerre mondiale en sauvant pas moins de 75 hommes, sous le feu ennemi et le tout sans porter d’armes. Desmond Doss, fidèle à une foi inébranlable dans le commandement chrétien du « Tu ne tueras point » a pourtant choisi de servir son pays sur le champ de bataille en sauvant des vies au lieu de les prendre. Récompensé par les plus hautes distinctions, voici le récit d’une vie peu commune qui l’a fait entrer dans la légende.

Desmond Doss et ses décorations

Desmond Thomas Doss nait en 1920 à Lynchburg en Virginie. Il est le fils d’un charpentier et vétéran de la Grande Guerre, William Doss, et de Bertha Doss. Durant son enfance, Desmond Doss reçut une éducation religieuse par sa mère qui était une chrétienne très pratiquante au sein du mouvement des adventistes du septième jour. Le septième, samedi pour eux, était dédié à Dieu, c’est le Sabbat. Lui-même très pratiquant par la suite, Desmond se faisait un devoir de respecter au plus près les enseignements religieux prescrit par la Bible. Au cours d’une brocante, William Doss a acheté une affiche où étaient représentés les Dix Commandements de Moïse. Parmi ceux-ci, « Tu ne tueras point » était illustré par le meurtre d’Abel par Caïn, un fratricide. C’est celui qui marqua le plus Desmond et qui le fit devenir un adepte de la non-violence. Ce qui ne l’empêchait pas d’être un enfant qui s’amusait à lutter contre son frère Harold de temps en temps. Ce dernier refusait de plus en plus en dénonçant la ténacité de Desmond qui n’abandonnait jamais.

C’est aussi durant ses jeunes années qu’il développe une aversion pour les armes à feu. Alors que son père et son oncle était en train de boire, il raconte que sa mère parvient in extremis à empêcher son père de tuer son propre frère car il avait sorti son pistolet tout en étant ivre. Desmond réussit à cacher l’arme et se promet de ne plus jamais en toucher une de sa vie.

Il était, enfin, connu pour son empathie et sa compassion. Il aurait parcouru plusieurs kilomètres pour aller donner son sang à un hôpital où étaient soignés des hommes pris dans un accident et dont Desmond avait entendu l’histoire à la radio.

Au moment où la Seconde Guerre mondiale débute pour les Etats-Unis avec l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais en décembre 1941, Desmond travaillait au chantier naval de Newport. En 1942, alors que son pays entre en guerre, il décide de se porter volontaire, malgré une exemption du service militaire grâce à son métier, prétextant vouloir faire sa part et s’engage en avril. Refusant cependant de porter les armes, il espère devenir infirmier.

Mais l’armée américaine ne répondit pas à ses attentes et Desmond fut envoyé à la 77^e division d’infanterie établie au Fort Jackson en Caroline du Sud. Ses officiers pensaient que l'envoyer à l'infanterie allait venir à bout de ses convictions. Ses débuts dans ce nouvel univers sont difficiles car les valeurs religieuses de Desmond ne s’accordent pas avec les pratiques de l'armée. En effet, le simple fait de refuser de porter les armes l’isolent des autres qui l’excluent pensant qu’il ne serait pas capable de les aider sur le champ de bataille. L'un des cadets l'aurait même menacé de mort s'il le voyait sur le champ de bataille. Il est maltraité par ses camarades de chambre, violenté parfois et ses supérieurs cherchent plusieurs fois à le faire révoquer de l’armée. Cependant, depuis une loi de 1940, l’armée américaine autorise certains membres de son personnel des concessions par rapport à leur conviction, ce sont les « objecteurs de conscience ». Desmond cherche à faire valoir son droit de ne pas porter les armes conformément à ce statut, s’affirmant même comme un « coopérateur de conscience » car il veut servir son pays comme les autres mais sans tuer. Ce statut lui est refusé pendant un temps mais il finit par venir à bout de ses supérieurs qui voulait le faire révoquer en « Section 8 », c’est-à-dire révoqué pour raison mentale ou psychologique, notamment le capitaine de sa compagnie, Jack Glover. Finalement, il obtient la permission de sa hiérarchie d’intégrer le corps des infirmiers militaires et débute une formation.

C’est toutefois dans l’épreuve que Desmond Doss parvient à s’attirer un début de sympathie de ses camarades. Lors des longues marches au pas de course de leurs entraînements, Desmond était toujours là pour soigner ceux qui en avaient besoin. À la fin de la formation initiale, il était devenu un membre à part entière de la compagnie. Il avait gagné le respect des autres par son dévouement envers eux.

En 1944, Desmond Doss est finalement envoyé sur le champ de bataille, dans le Pacifique. Son baptême du feu se fait sur l’île de Guam (bataille de Guam : juillet – août 1944) et à Leyte (bataille des Philippines : octobre – décembre 1944). Il y découvre l’horreur de la guerre : la mort, les blessures plus ou moins mortelles et les techniques de guerre japonaises qui violaient ouvertement la Convention de Genève en tirant spécifiquement sur les infirmiers qui se remarquaient par la croix rouge sur leur uniforme. La règle parmi les Américains était donc de retirer tout signe distinctif, casque et bandeau d'infirmier, pour éviter de devenir une cible de choix.

Les Japonais étaient aussi adeptes des pièges, notamment des objets minés avec des grenades. Alors que la compagnie de Doss était en patrouille, un soldat remarque un stylo plume par terre et en voulant le ramasser, l’objet explose, lui enlevant ses doigts et lui envoyant des morceaux de shrapnel dans la poitrine. Par miracle Doss parvient jusqu’au blessé qu’il parvient à sauver, c’est le premier secouru d’une longue liste à venir. Ainsi, dès le début de son implication dans la guerre, Doss fait tout pour sauver son prochain, qu'il ait fait ses classes avec cette personne importe peu. Bravant le feu ennemi, Doss se jette à corps perdu sur le champ de bataille pour sauver ses camarades, ce qui lui a voulu une première Bronze Star Medal.

Desmond Doss à Okinawa

En avril 1945, les Américains sont aux portes du Japon et débarquent à Okinawa dans l’archipel des Ryukyu. Okinawa était à moins de 600 km du Japon, ce qui en faisait un espace stratégique qui avait pour but d'abriter une future piste de décollage pour les raids aériens sur Tokyo. En mai, Desmond est stationné avec sa compagnie au pied d’un escarpement, surnommé Maeda par les Japonais et Hacksaw Ridge par les Américains. D’une hauteur de 106 m, il donne sur un immense plateau où sont positionnés les Japonais, retranchés dans un labyrinthe de galeries surmonté de bunkers et de nids de mitrailleuses.

Pour accéder au plateau, les soldats américains utilisent les filets de débarquement présents sur les navires pour aller jusqu'aux barges. Le plan est donc de grimper et d'accrocher les filets au sommet. Parmi les volontaires, on retrouve Desmond Doss, présent ci-contre en haut de l'escarpement, bravant les balles en se tenant debout. Mais une fois au sommet, les Américains font face à une résistance acharnée des Japonais durant une bataille intense de plusieurs jours, entre le 4 et le 7 mai. Les pertes de chaque côté sont énormes, les balles fauchent les hommes par dizaines et les combats se finissent très souvent à un corps-à-corps meurtrier. Après plusieurs assauts infructueux, les Américains sont finalement repoussés par une charge générale des Japonais et sont obligés de descendre du plateau, laissant leurs blessés sur place. Seul un tiers des Américains parvient jusqu'en bas de la falaise, le reste git mort ou blessé sur place. Comme à son habitude, Doss continue de s’occuper des blessés même lorsqu’il voit sa compagnie fuir et décide plutôt de poursuivre son travail. Les portant sur son dos, il ramène un à un les soldats américains jusqu’au bord de la falaise et les faits descendre à l’aide d’une civière puis en enroulant une corde autour d’eux lorsque la civière cassa. Pendant douze heures, Desmond Doss court à travers le plateau pour transporter le plus de soldats possible en lieu sûr, esquivant les balles mais aussi les explosions d’obus. Véritable force de la nature, après chaque sauvetage, il se répète un mantra : « Seigneur, aide-moi à en sauver un de plus. » A posteriori, Desmond Doss attribue sa survie miraculeuse à Dieu. Doss aurait sauvé au moins 75 soldats. Selon Doss, ce serait plutôt 50 mais ses supérieurs parlent eux de 100 hommes. L'histoire a choisi de choisir le juste milieux. Finalement, les Américains parviennent à bout de la résistance japonaise et conquièrent l'escarpement Maeda. De là, il avance dans l'île mais l'aventure n'est pas de tout repos.

Le 21 mai, alors qu’Américains et Japonais sont pris dans un affrontement nocturne, Desmond Doss est pour la première fois blessé par une grenade. Retranché dans un trou d’obus avec quelques hommes, Desmond ne parvient pas à renvoyer la grenade et reçoit des éclats dans ses deux jambes. Parvenant à soigner ses blessures, il le fait aussi pour ses camarades à proximité avant d’être pris en charge par une civière. Sur le chemin, le groupe est pris sous le feu d'un char japonais et alors que Desmond est mis à l’abri, il remarque un autre blessé sur le côté dont les blessures s’avèrent plus graves que les siennes. Il fait monter le blessé sur la civière à sa place et repart par ses propres moyens. Il obtient finalement l’aide d’un autre soldat mais alors qu’ils sont debout, Doss est atteint par une balle de sniper au niveau de son bras qui se fracture. Il donne alors des instructions au soldat pour constituer une attelle de fortune avec la crosse d’un fusil et parvient en rampant jusqu’à une zone sûre.  Desmond venait de réaliser un énième miracle et avait gagné son ticket de retour au pays. À l’hôpital, il reçut la visite de la plupart de ses officiers qui reconnurent en lui un homme extraordinaire et lui demandant pardon pour leurs erreurs, dont le premier est le capitaine Jack Glover à qui il a sauvé la vie.

En octobre 1945, Desmond Doss est appelé à Washington pour recevoir la Medal of Honor, la plus haute distinction militaire possible, pour son courage et ses actions sur le champ de bataille, des mains du président Harry Truman (voir ci-contre), en particulier le sauvetage des 75 hommes d'Hacksaw Ridge.

Après la guerre, Desmond Doss se retire de l’armée et vit avec sa femme Dorothée dans une ferme en Géorgie jusqu’à sa mort. Les combats ne l’ont pas laissé indemne. À Leyte, il contracte la tuberculose qui s’aggrave par la suite, l’obligeant à vivre presque la totalité de son temps à l’hôpital dans l’immédiate après-guerre. Il s’en sort mais les médecins ont dû lui retirer cinq côtes ainsi qu’un poumon ce qui ne lui permet pas d’exercer un métier à plein temps et les antibiotiques le rendent en partie sourd pendant de nombreuses années.

Il mène une vie modeste jusqu’à sa mort en 2006 mais son destin a été par la suite mis en lumière, notamment à partir des années 2000 avec un premier documentaire en 2004, The Consciencious Objector et surtout par le film de Mel Gibson, Tu ne tueras point (Hacksaw Ridge en version originale) sorti en 2016 avec Andrew Garfield dans le rôle de Desmond Doss.

Plusieurs fois décoré pour sa bravoure, Desmond Doss a marqué le monde par son sens du devoir et par sa loyauté infaillible envers sa foi qu’il n’a pas reniée une seule fois. Il s’est hissé au sommet par le simple fait de vouloir sauver des vies au lieu d’en prendre.

Publié par Adrien RASATA, le 23/10/2023

Articles internet :

• The Famous People. (s. d.). Who was Desmond Doss ? Everything you need to know. TheFamousePeople.com. [en ligne] Consulté le 17 septembre 2023, à l’adresse https://www.thefamouspeople.com/profiles/desmond-doss-13329.php
• Desmond Doss Website. (s. d.). Desmond Doss : The Real Story. Desmond Doss. [en ligne] Consulté le 23 septembre 2023, à l’adresse https://desmonddoss.com/bio/bio-real.php
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• Leepson, M. Dictionary of Virginia Biography - Desmond Thomas Doss (7 February 1919-23 March 2006) biography. (2015). Dictionary of Virgina Biography. [en ligne] Consulté le 23 septembre 2023, à l’adresse https://www.lva.virginia.gov/public/dvb/bio.asp?b=Doss_Desmond_Thomas

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Articles Wikipédia :

• Contributeurs aux projets Wikimedia. (2023, 4 septembre). Desmond Doss. [en ligne]  Consulté le 23 octobre 2023, à l’adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Desmond_Doss
• Wikipedia contributors. (2023, 20 octobre). Desmond Doss. Wikipedia. [en ligne] Consulté le 23 octobre 2023, à l’adresse https://en.wikipedia.org/wiki/Desmond_Doss

Articles de presse :

• Portier-Kaltenbach, C. (2023). Desmond Doss, guerrier sans arme ni violence [Vidéo]. Europe 1. [en ligne] Consulté le 23 octobre 2023, à l’adresse https://www.europe1.fr/emissions/dans-lintimite-de-lhistoire/desmond-doss-guerrier-sans-arme-ni-violence-4169998

Vidéos YouTube :

• Desmond Doss le courageux (EMDH #2) [ENGLISH SUBTITLES], par la chaîne Lauhiss, mise en ligne le 12 février 2021 [en ligne] [visionnée le 23/10/2023]. Disponible sur : https://youtu.be/Z3P01xfdLP8
• The Medic Who Fought a War without a Weapon, par la chaïne Simple History, mise en ligne le 18 décembre 2018 [en ligne] [visionnée le 23/10/2023]. Disponible sur : https://youtu.be/b8AggbAVSNQ

Crédits images :

1. Desmond Doss en uniforme avec ses médailles. Auteur inconnu. Disponible sur : https://cultea.fr/desmond-doss-le-heros-de-la-guerre-du-pacifique.html
2. Portrait de Desmond Doss en uniforme au moment de son engagement. Auteur inconnu. Disponible sur : https://www.desmonddoss.org/photos/index.php?c=Doss+Catalog
3. Portrait de Desmond Doss en infirmier militaire. Auteur inconnu. Disponible sur : https://www.desmonddoss.org/photos/index.php?c=Doss+Catalog
4. Photographie de guerre de Desmond Doss au sommet d’Hacksaw Ridge. Auteur inconnu. Disponible sur : https://www.desmonddoss.org/photos/index.php?c=Doss+Catalog
5. Marines américains lors de la bataille d’Okinawa, près de Naha, 1945. © U.S. Department of Defense. Disponible sur : https://www.britannica.com/topic/Battle-of-Okinawa
6. Desmond Doss recevant sa Medal of Honor. Auteur inconnu. Disponible sur : https://www.pinterest.fr/pin/391602130090090319/

Hacksaw Ridge (Tu ne tueras Point) par Mel Gibson (2016)