Hirô Onoda, le dernier soldat japonais de la Seconde Guerre mondiale

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a montré un jusqu’au-boutisme sans précédent dans ses pratiques militaires à l’image des attaques suicides, ou kamikaze, des avions contre les navires américains. Véritable société totalitaire, le Japon a endoctriné sa population pour poursuivre ses ambitions impérialistes à travers le Pacifique. Parmi les combattants, certains se sont distingués, comme Hirô Onoda, un commando qui n’a rendu les armes que 29 ans après la fin de la guerre, en 1974.

 

Hiro onoda dans la jungle

Hirô Onoda dans la jungle, photo non datée

Un soldat spécial de la dernière heure

Onoda naît au Japon en 1922 dans une famille d’anciens samouraïs. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate entre le Japon et les Etats-Unis en décembre 1941, il a tout juste 19 ans. L’année suivante, il entame son service militaire au sein du 61e régiment d’infanterie puis au 218e régiment stationné à Nanchang en Chine (voir portrait ci-contre en uniforme).

En août 1944, Onoda intègre l’école de Nakano, une institution formant les agents du renseignement japonais et se spécialise dans les actions commando au sein des classes Futamata. Il y apprend des techniques de guérilla mais aussi de survie en milieu hostile, notamment la jungle dans le cadre du théâtre militaire du Pacifique. Contrairement à ce sens du sacrifice que la propagande japonaise diffuse au cours de la guerre, l’école de Nakano interdit à ses futurs officiers de mourir inutilement ou de se rendre. Tant qu’ils n’en reçoivent pas l’ordre de leur hiérarchie, ces soldats doivent continuer de lutter par tous les moyens et éviter le suicide. À cela vient s’ajouter une promesse de son supérieur, le major Yoshimi Taniguchi, que, peu importe le temps que cela prendra, des hommes viendront les chercher pour les ramener au Japon.

En décembre de la même année, Onoda quitte l’école de Nakano avec le grade de sous-lieutenant et part pour les Philippines, plus précisément pour l’île de Lubang, où il doit aider à la résistance face à l’avancée des Américains dans la région.

Hiro onoda jeune uniforme

Les débuts d'une longue guérilla aux Philippines

Avec 21 autres commandos, Onoda doit donc ralentir le plus possible la progression des soldats américains en faisant de l’île de Lubang une véritable forteresse truffée de pièges et de caches d’armes et de vivres. Mais en février 1945, l’attaque américaine pulvérise les défenses japonaises et les soldats sont obligées de fuir dans la forêt. Pour maximiser leurs chances de survie, les hommes se divisent en groupe de 3 à 4 hommes. Onoda se retrouve avec trois compagnons : Yuichi Akatsu, Shöichi Shimada et Kinshichi Kozuka. Seul formé aux techniques de guérilla, il mène son groupe à la recherche de cachettes en prévision de leur longue lutte sur l’île. Pour survivre, ils peuvent compter sur leurs rations ainsi que sur les fruits locaux.

Char americain sur l ile de panay aux philippines 1945

Chars américains lors de l'offensive sur l'île de Panay aux Philippines

Une guerre sans ennemi pendant 30 ans

En octobre 1945, Onoda et ses hommes, toujours enfouis dans la forêt, trouvent des tracts dispersés par avions qui leur indiquent la reddition du Japon et la fin de la guerre. Croyant à un subterfuge ennemi, Onoda refuse d’y croire et s’enfonce encore plus dans la forêt. À l’occasion, il en ressort pour attaquer des fermes philippines afin de semer la terreur et de s’approvisionner en riz et viandes en volant le bétail.

Onoda image film 2021

Hiro Onoda dans la jungle dans le film Onoda, 10 000 nuits dans la jungle (2021)

 

En 1950, le premier drame de l’escouade se produit. Cela fait 5 ans que les hommes se battent et se terrent dans la forêt. C’est au détour d’une patrouille que le soldat Yuichi Akatsu décide de s’enfuir et de se rendre aux autorités philippines. Pour lui la guerre venait de prendre fin mais pas pour le reste de l’escouade qui craint d’être dénoncé et part encore plus loin dans la forêt. Malgré les tracts et les messages transmis par haut-parleurs, Onoda et ses hommes n’en démordent pas. En outre, Onoda entend et voit régulièrement des avions militaires survoler l’île. Ces derniers ne sont cependant pas à sa recherche mais en route pour la Corée du Sud alors en guerre contre sa voisine du nord (Guerre de Corée 1950-1953) puis pour le Vietnam (1965 – 1975).

L’escouade Onoda perd encore un homme lors d’une sortie en 1954. Désormais connus des autorités pour leurs attaques contre des fermes et civils philippins, les Japonais font régulièrement face à des forces de police. Mais cette année-là, Shöichi Shimada est touché par une balle et meurt dans la fuite. Onoda n’a plus que Kinshichi Kozuka comme compagnon. Se retranchant toujours plus profondément dans la forêt, les deux hommes vivent dans le plus grand secret, à tel point que le gouvernement japonais les déclare morts en 1959 et que les Philippins commencent à les traiter comme une légende. Mais en 1972, c’est au tour de Kozuka de mourir lors d’un échange de coups de feu avec la police alors que le duo s’attaquait à une nouvelle ferme. Désormais, Onoda est tout seul.

Le retour d'Hirô Onoda au Japon

La légende d’un soldat japonais résistant dans la forêt philippine a fait son chemin jusqu’au Japon où elle attire l’attention de Norio Suzuki, un étudiant attiré par les mythes. Sentant l’histoire extraordinaire, il part pour les Philippines afin de trouver Hirô Onoda, ainsi qu’un panda et l’homme des neiges, selon les dires de l’intéressé.

Hiro onoda et norio suzuki

Norio Suzuki et Hiro Onoda

En février 1974, Suzuki est dans la forêt de Lubang et parvient à retrouver son compatriote. Pensant un piège ennemi, Onoda surprend Suzuki et le met en joue. Voyant que ce dernier n’était pas armé, il abaisse son arme et décide de l’écouter. À son contact, il apprend la dure réalité, le Japon avait perdu la guerre. Malgré les demandes de Suzuki, Onoda refuse de rendre les armes et précise que s’il doit le faire, ce sera sur la demande de son supérieur, le lieutenant Yoshimi Taniguchi. L’étudiant comprend qu’il doit retrouver Taniguchi afin de faire sortir Onoda de la forêt. Il prend une photo d’Onoda comme preuve et repart au Japon. Avec l’aide du gouvernement japonais, Suzuki parvient à localiser le lieutenant, devenu libraire, et le ramène aux Philippines auprès d’Onoda. Ce dernier reçoit enfin l’ordre formel de se rendre.

Avec Suzuki et Taniguchi, Onoda quitte la forêt philippine et dépose les armes : son fusil, plusieurs centaines de munitions et des grenades. Il offre également son sabre au président philippin Ferdinand E. Marcos, en signe formel de sa reddition. Malgré les meurtres commis par les Japonais après la guerre, le président offre son pardon à Onoda, et lui rend également son sabre. Maintenant, il reste à Onoda le retour au pays.

Hiro onoda sort de la jungle

Hiro Onoda sort de la jungle avec Norio Suzuki (à gauche) et Yoshimi Taniguchi (à droite)

 

L’arrivée d’Onoda au Japon se fait en grandes pompes. Les médias ont rapporté son histoire dans tout le pays et un mythe du dernier soldat entoure Onoda. Celui-ci fait en effet partie des ultimes Japonais à se rendre. Il incarne les valeurs traditionnelles japonaises, notamment pour un gouvernement qui veut redresser la jeunesse rendue plus matérialiste par le développement économique de la reconstruction et qui veut mettre fin aux valeurs et aux souvenirs de temps plus anciens. Lorsqu’Onoda descend de l’avion, il est acclamé par une foule nombreuse où se trouvent notamment ses parents ainsi que la fille du soldat Shimada. C’est donc sous les hourras de la foule que la guerre d’Hirô Onoda se clôt.

Hiro onoda rend son sabre

Hirô Onoda rendant son sabre au président philippin Marcos

 

Vivre après la guerre et s'intégrer dans la société

Vivre dans le Japon d’après-guerre est une expérience particulière pour Onoda. En effet, en 1974, ce dernier a fini de se reconstruire et il est aujourd’hui l’une des puissances économiques montantes, notamment en termes technologiques. Le Japon des années 1940 n’est plus et Onoda a un peu de mal à y trouver sa place. Sa vision impérialiste du Japon et ses valeurs anciennes ne collent plus à la société japonaise.Livre hiro onoda

Il décide dans un premier temps de raconter son histoire dans une autobiographie qui paraît en 1974, No Surrender, My Thirty-Year War (Ma guerre de 30 ans sur l’île de Lubang) qui a un franc succès. Mais, malgré les sollicitations populaires à plus d’ouverture médiatique, Onoda préfère une vie discrète, loin des caméras. À ce titre, il donne la solde que l’État japonais lui verse pour son service aux Philippines à des œuvres caritatives ou des temples. Finalement, il quitte le Japon en 1975 pour aller vivre au Brésil où il devient éleveur de bétail et s’installe auprès d’une communauté nippone locale, où il trouve l’amour.

Il revient finalement au Japon en 1984 après avoir entendu l’histoire d’un jeune Japonais ayant assassiné ses parents après avoir échoué à entrer à l’université en 1980. Pour éviter un nouveau drame, Onoda fonde une école où il forme les jeunes, en particulier les enfants, à des techniques de survie en pleine nature et où il transmet une partie de sa philosophie, la Onoda Nature School (Onoda Shizen Juku).

En 1996, Hirô Onoda se rend de nouveau à Lubang pour revoir l’île où il est resté pendant 30 ans. Afin de présenter ses excuses, il fait un don de 10 000 dollars afin de construire une école sur place.

C’est en 2014 que l’histoire se termine, à 91 ans. Bien qu’elle soit achevée, l’histoire d’Onoda n’a pas fini de faire parler d’elle. En effet, en 2021, le film d’Arthur Harari, Onoda, 10 000 nuits dans la Jungle, qui fut récompensé au festival de Cannes, remet l’histoire sur le devant de la scène. Elle n’en finit pas d’étonner et de questionner, notamment sur l’extrémisme de ce soldat, à la fois d’une point de vue psychologique avec son endoctrinement mais aussi sur ses pratiques guerrières de survie. En effet, Onoda n’est pas le seul à avoir eu un destin similaire mais il est l’un des plus jusqu’au-boutistes. L’histoire d’Onoda a traversé les frontières japonaises et a inspiré plus d’une personne, notamment chez les anciens ennemis du Japon comme les Etats-Unis.

Hiro onoda par judith kawaguchi

Photographie d'Hirô Onoda par ©Judith Kawaguchi

 

Publié par Adrien RASATA le 20/02/2024

A lire, à voir

Livres :

Hirô Onoda, No Surrender, My Thirty-Year War, 1974

Hirô Onoda, Au nom du Japon, Le livre de poche, Paris, 2021

Films :

Arthur Harari, Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, 2021

Sources :

Ouvrages :

Mamytwink, Histoires de guerre, Michel Lafon, Paris, 2020

Articles internet :

  • FuransuJapon. (2023, 28 juillet). Hiroo Onoda & # 8211 ; Combattre jusqu&rsquo ; au bout pour l& # 8217 ; empire du Japon. FuransuJapon. [en ligne ] Consulté le 20 février 2024, à l’adresse https://furansujapon.com/histoire/hiroo-onoda/

Wikipédia :

Vidéos YouTube :

Crédits images :

  1. Hirô Onoda dans la jungle. Date et auteur inconnu. Disponible sur : https://allthatsinteresting.com/hiroo-onoda
  2. Portrait de Hirô Onoda jeune en uniforme entre 1944 et 1945. Auteur inconnu. ©Wikimédia commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hiroo_Onoda_young.jpg
  3. Unité blindée américaine avançant sur l’île de Panay aux Philippines. ©Wikimédia Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PanayIslandPhilippines1945.jpg
  4. Hirô Onoda représenté en tenue camouflage dans le film Onoda, 10 000 nuits dans la jungle d’Arthur Harari (2021). Disponible sur : https://www.elperiodico.com/es/ocio-y-cultura/20220507/hiro-onoda-pelicula-novela-werner-herzog-13620835
  5. Hirô Onoda et Norio Suzuki dans la jungle. Disponible sur : http://lelignard.canalblog.com/archives/2020/11/21/38645002.html
  6. Hirô Onoda, Norio Suzuki et Yoshimi Taniguchi. Auteur et sources inconnus. Disponible sur : http://lelignard.canalblog.com/archives/2020/11/21/38645002.html
  7. Hirô Onoda offrant son sabre au président philippin Ferdinand E. Marcos. Malacañang Palace.  ©Wikimédia Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:President_Marcos_and_Hiroo_Onoda.jpg
  8. Couverture de l’autobiographie d’Hirô Onoda (1974). Disponible sur : https://www.icollector.com/item.aspx?i=13267170
  9. Photographie d’Hirô Onoda au Japon par ©Judith Kawaguchi. Disponible sur : https://judittokyo.com/words-to-live-by/hiroo-onoda/
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