Le yaourt

Le yaourt est aujourd’hui un incontournable du repas occidental. Des millions de tonnes sont consommées dans le monde chaque année et l'industrie a participé à créer un marché mondialisé du yaourt. Il met fin au repas grâce à une petite note sucrée, nature ou avec des fruits, grâce à une gamme de goût toujours plus vaste. Les rayons des grandes surfaces présentent des milliers de yaourts répartis entre les marques, les saveurs et la nature des produits. Depuis ses origines et son savoir-faire artisanal jusqu'aux usines agroalimentaires actuelles, le yaourt a une histoire bien particulière s'étale sur plus de 10 000 ans.

Istockphoto 453601381 612x612

Aux origines du yaourt

La conservation de la nourriture a été un soucis pour l’homme depuis toujours, que ce soit pour les viandes, les légumes et surtout le lait. Vers 8500 avant notre ère, il découvre que le lait qui a fermenté dans un environnement clos, le lait caillé, se conserve plus longtemps grâce à l'action d'enzymes naturellement présentes. Dès lors, le lait est stocké dans des outres en panse d’animaux, bovins ou caprins, pour être transporté au sein des sociétés nomades puis sédentaires.

Les premières formes de lait fermenté seraient apparues dans la région des Balkans et en Turquie avant de se répandre dans le reste du monde. La parenté du yaourt est ainsi disputée entre ces deux régions, en particulier entre la Bulgarie et la Turquie. L'archéologie a permis de trouver des traces démontrant la consommation de lait fermenté dans différentes régions du monde antique, à Sumer en Mésopotamie et en Egypte au cours des IVe et IIIe millénaires. Des exemples littéraires suggèrent également la diffusion du lait fermenté autour du bassin méditerranéen et au Moyen-Orient. Hérodote, au Ve siècle avant J.-C., décrit par exemple les techniques de fermentation des Scythes, un peuple des steppes présent autour de la mer Noire en Mésopotamie, et la consommation d'une boisson laitière acide mais très appréciée. Pline l'Ancien, auteur du Ier siècle de notre ère, réutilise l'exemple des peuples nomades ainsi que d'autres peuples barbares. Quelques siècles plus tôt, le poète Homère, dans son récit de l'Odysée, mentionne la présence de lait fermenté dans l'antre du cyclope Polyphème. Ce dernier en aurait pris pour accompagner son repas du quotidien et lorsqu'il mangea des compagnons du héros Ulysse. Toujours en Europe, le lait femrenté aurait fait son chemin jusqu'en Scandinavie et aurait intégré le régime alimentaire des Vikings.

                                                                                    

Conservation traditionnelle de lait femrenté dans des outres en peaux d'animaux (Turquie)

 

Une apparition éphémère en France

Au Moyen Âge et durant les Temps modernes, le lait fermenté reste essentiellement cantonné aux régions du Moyen-Orient et dans les Balkans. C'est notamment pour cette raison que le mot de yaourt tire son origine du mot turc yoğurt qui est vient lui-même du verbe turc yoğmak "coaguler, cailler". Le yoğurt a donné yogourt (ou yoghourt) en ancien français. Cette version est utilisée dans certains pays francophones comme en Belgique et au Québec. Le mot yaourt est donc une déformation et une adaptation linguistique. La version turque a également été copiée dans d'autres pays européens comme aux Pays-Bas, au Royaume-Uni  et même en Grèce où il est appelé yaourti. En Bulgarie il est appelé kisselo mlyako (Кисело мляко). Dans la région du Maghreb, on parle du rayeb.

Il apparait en France et dans la langue français pour la première fois sous l’appellation yogourt entre 1432-1433 dans un récit de Bertrandon de la Broquière. De retour d’un voyage à Jérusalem, il décrit dans son livre, Le voyage d’outremer, ce plat étrange que les Turcs apprécient particulièrement. Le mot yogourt n’a cependant pas de postérité immédiate.

Cent ans plus tard, il refait surface en France. Le roi François Ier, alors souffrant de problèmes de digestion, envoie une lettre au sultan ottoman Soliman le Magnifique pour lui demander un remède qui était alors utilisé chez lui, le yaourt. Soliman accepte et envoie un médecin qui prescrit du lait fermenté au roi. Ce dernier se rétablit miraculeusement mais le médecin refuse de donner la recette du remède. Le yaourt tombe ensuite dans l’oubli jusqu’au XXe siècle.

 

Découvertes scientifiques et première diffusion en France

Grâce à la découverte des micro-organismes par Pasteur au XIXe siècle, Portrait stamen grigorovle yaourt devient la cible de scientifiques qui cherchent à analyser l’action des bactéries dans la fermentation du lait. Stamen Grigorov (portrait à droite) est le premier à identifier en 1905 la bactérie responsable de la fermentation du lait. La bactérie prend alors le nom du chercheur, Bacillus bulgaricus Grigorov. Aujourd'hui, la bactérie a pris le nom générique de Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus . La mention de l’origine bulgare de la bactérie est due celle de l’échantillon qu’a analysé Grigorov qui lui venait de sa terre natale, la Bulgarie.

Un peu plus tard, l’un des assistants de Grigorov, Elie Metchnikoff (prix Nobel en 1908) (portrait à gauche), cherche à trouver la raison de la longévité des consommateurs de yaourts dans les montagnes bulgares. Il découvre que les bactéries présentes dPortrait elie metchnikoffans le lait fermenté permettent de contrer les effets pathogènes des bactéries elles aussi naturellement présentes dans le lait. De plus, il observe les bienfaits médicinaux des bactéries qui favorisent l’action et l'entretien de la flore bactérienne intestinale. Elles facilitent la digestion et préviennent les maux d’estomac, notamment chez les nourrissons. Ces bonnes bactéries sont nommées probiotiques et se retrouvent au cœur des études scientifiques depuis plus d'un siècle.

Mais le yaourt est alors vu comme un remède et non comme un aliment du quotidien. Il est ainsi vendu exclusivement dans les pharmacies. Ce n’est qu’à la fin de la décennie que le yaourt commence à se retrouver parmi les produits alimentaires, grâce à l’action de la famille Carasso. Après avoir quitté l’Empire ottoman en 1913, la famille s’installe à Barcelone. Le père, Isaac Carasso, ouvre un atelier fabricant du lait fermenté en prenant en compte l’utilisation des probiotiques. Il donne à son entreprise le nom de Danone, inspiré du surnom de son fils, Daniel, appelé Danon. Au cours de ses études, ce même Daniel voyage en France, à Marseille et à Paris. C’est dans la capitale française qu’il installe une usine de fabrication de yaourt en 1929 sous le nom : Société du yoghourt Danone. Leur produit gagne rapidement en popularité et la production s'exporte. Une usine est ainsi construite aux Etats-Unis sous le nom de Dannon en 1942.

1 cph5jtm avih3tdci ubcq

Façade de la Société du Yoghourt Danone (vers 1929)

 

Essor du yaourt

Le développement de l’industrie agroalimentaire après la Seconde Guerre mondiale permet au yaourt de gagner un nouveau public comme produit de consommation courante. Dès 1937, il est en pleine transformation avec l’apparition du premier yaourt aux fruits et en 1963 c'est au tour du yaourt brassé. L’offre se diversifie avec des gouts de plus en plus variés et attractifs. Dans les années 1950, le développement technique de l’industrie permet la démocratisation du yaourt au sein de la population française et vers les autres régions du monde comme le continent asiatique avec la Chine et le Japon. En utilisant désormais un pot en carton durant ces mêmes années 1950, les coûts de production diminuent et les quantités, elles, augmentent de manière exponentielle. Dans les années 1970, Danone sort le yaourt avec un pot en plastique comme on le connait aujourd’hui, avec au départ un opercule en papier puis en aluminium. La concurrence des entreprises agroalimentaires participent ensuite à l'essor d'un marché mondialisé avec des entreprises comme Mamie Nova, Nestlé et des filiales du groupe Danone : Activia, Gervais, Yoplai, Danette, etc.

Malgré la profusion de l'offre dans les grandes surfaces, tous les produits laitiers ne peuvent pas, selon la législation française, posséder l'appelation yaourt. Pour y correspondre, ils doivent suivre un procédé de fabrication précis et le produit fini doit contenir, encore vivantes, les bactéries Streptococcus thermophilus et Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus. Dans le cas contraire, le produit, ou la boisson, est qualifié de lait fermenté. La législation varie bien sûr d'un pays sur l'autre.

                                                                                                     https://img.over-blog-kiwi.com/0/99/48/27/20161105/ob_5f69a7_french-supermarket-01-french-moment.jpg

 

 

Le yaourt aujourd'hui

La mondialisation a permis l’essor du yaourt industriel dans le monde entier. Que ce soit en Asie, dans les Amériques ou en Afrique, le yaourt sera le même que celui né en Europe. Seuls les goûts changent afin de correspondre aux spécificités locales. Malgré cette standardisation, dans certaines régions reculées, par exemple dans les steppes d’Asie centrale, le yaourt moderne peut cohabiter avec le yaourt traditionnel, fait de manière artisanale suivant des recettes vieilles de plusieurs siècles.

Aujourd’hui, chaque année, plus de 14, 910 millions de tonnes de yaourts sont consommées dans le monde soit une moyenne de 2,1 kg par personnes. La France fait partie des plus gros consommateurs européens avec 168 pots par personne par an en 2012, juste derrière les Pays-Bas avec 180 pots.

La consommation toujours plus importante de yaourts est également au coeur de considérations écologiques. Les consommateurs veulent un produit qui respectent l'environnement et une économie durable à chaque étape de la chaîne de production : un élévage plus respectueux de la condition animale, une meilleure rétribution des éléveurs, des produits biodégradables, une production moine importante pour éviter les gaspillages, peut-être en revenant à une fabrication artisanale.

 

 

Publié par Adrien RASATA le 03/11/2021

 

 

Sources et bibliographie/sitographie

Sites internet :

 

Chiffres sur la consommation du yaourt : https://www.planetoscope.com/Produits-laitiers/1843-consommation-mondiale-de-yaourts.html

Crédits images :

1) Illustration yaourt grec. Artiste iconnu. Disponible sur : https://www.istockphoto.com/fr/portfolio/tashka2000?mediatype=photography
2) Remplissage d'outres en peaux avec du lait, Turquie. Emmanuel Mingasson. Disponible sur : https://unansurlaroutedulait.org/lexpo-photo-voyage-en-asie-sur-la-route-du-lait/
3) Portrait de Stamen Grigorov. Auteur inconnu. Disponible sur : https://discover.hubpages.com/education/History-of-Yogurt-Yoghurt-or-Yogourt
4) Portrait d'Elie Metchnikoff par Félix Nadar. Disponible sur : https://wellcomecollection.org/works/xq5p7b8z?wellcomeImagesUrl=/indexplus/image/L0003211.html
5) Photo du magasin de Daniel Carasso à Paris, Société du Yoghourt Danone à Paris. Auteur inconnu. Disponible sur : https://www.danone.com/fr/brands/dairy-plant-based-products/danone.html
6) Photo d'un rayon produits frais d'une grande surface française. Auteur inconnu. Disponible sur : https://www.amaliaharmonie.fr/2016/11/la-veritable-variete-au-rayon-des-yaourts.html

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire