La loi Waldeck-Rousseau (1884)

Les syndicats sont aujourd'hui des acteurs récurrents de la scène médiatique française, notamment lors des grèves. Cette institution, que l'on soit pour ou contre, est une avancée d'une grande importance dans l'histoire du travail en France. En effet, il y a un plus d'un siècle et demi, ceux-ci sont créés afin de permettre aux ouvriers, en particulier, d'être entendus et d'obtenir une protection face aux dangers du travail et de certains patrons. Ce droit des syndicats est alors inscrit dans la loi comme « relative à la création des syndicats professionnels », aussi appelée plus couramment loi Waldeck-Rousseau, du nom de son créateur, le ministre de l'Intérieur Pierre Waldeck-Rousseau, le 21 mars 1884. 

Pierre waldeck rousseau par nadar

Pierre Waldeck Rousseau par le photographe Nadar, vers 1904

Aux origines des syndicats, les corporations

Depuis le Moyen Âge, les mondes du travail sont divisés entre les différents métiers, ou gens de métier. Ces derniers se réunissent au sein d'organismes qui réglementent à la fois le marché mais aussi les conditions de travail et surtout l'apprentissage des novices. Ils sont appelés guilde, mais aussi communautés ou encore universitas en latin, voire corps et plus tard corporations. Ils contrôlaient l'ensemble du marché dans un monopole qui empêchait toute concurrence extérieure. Les corporations représentaient toutefois un obstacle pour certains, notamment ceux qui, par leur naissance et leur statut dans la guilde, ne pouvaient espérer gravir les échelons et devenir maître artisan. Elles représentaient aussi le contrôle de la société au temps de l'Ancien Régime et était vues comme des reliques du passé. Pour changer cela, la Révolution française change tout en 1791 avec le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier qui suppriment les corporations selon le principe de la libre concurrence entre les artisans.

Le premier XIXe siècle est marqué ensuite par une volonté étatique de préserver cette liberté d'entreprise même si des communautés parviennent malgré tout à se constituer et sont parfois réprimées par le pouvoir étatique.

Une loi sociale dans le contexte de l'industrialisation du XIXe siècle

Depuis les environs des années 1830, la France tout comme l'Europe occidentale, est touchée par une évolution massive et rapide des techniques et technologies de la production connue sous le nom des « révolutions industrielles » (aujourd'hui on parle plutôt d'industrialisation). En plus d'une évolution des moyens de production : développement de la machine avec les usines, les méthodes de travail changent également avec des rythmes pouvant atteindre plus de 10 heures de travail pour les adultes avec un emploi des femmes et des enfants (jusqu'à des lois restrictives pour ces derniers à partir des années 1840, dont les lois Ferry de 1882). À côté, de nouvelles considérations ont lieu à propos des mondes du travail, à la fois comment produire plus mais aussi comment permettre aux ouvriers de vivre plus longtemps. Le XIXe siècle, c'est aussi le temps où on s'aperçoit de la misère des ouvriers. Certains vivent dans une extrême pauvreté, voire dans l'indigence comme en témoigne Alexis de Tocqueville dans le récit de son voyage à Manchester en 1835. Les conditions de vie et de travail sont très difficiles et c'est alors qu'émergence un intérêt pour cette population.

C'est dans ce contexte que des mesures sont prises par l'État pour rendre plus « vivables » les conditions de travail et de vie des ouvriers. Ces mesures juridiques sont des lois sociales dont la première est promulguée en 1864 la loi Ollivier qui dépénalise le droit de grève. Vingt ans plus tard, la loi Waldeck-Rousseau poursuit cet effort. Le projet est pensé dès 1882 et permet aux regroupements ouvriers et patronaux une existence légale. Elle autorise également les sociétés de secours mutuels, des caisses d'assurance dont les membres cotisent pour subvenir à tout les dangers éventuels, notamment les accidents de travail, et peuvent aider à constituer une retraite. Les syndicats sont également le lieu des discussions sur le devenir ouvrier et patronal, ce qui protège les premiers d'éventuelles pressions des seconds. Malgré ses avancées, la loi ne concerne pas tous les secteurs professionnels. En effet, la fonction publique a interdiction de se réunir en syndicat. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale, en 1946, que les fonctionnaires obtiennent leurs propres syndicats. Une petite exception existe avec la création en 1920 du Syndicat national des instituteurs.

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Première page de la loi Waldeck-Rousseau


Les premiers syndicats apparaissent dès la promulgation de la loi et sont recensés au sein d'un Annuaire dès 1889. En 1895, le monde syndical accueille l'arrivée de la Confédération générale du travail (CGT). Dès lors, les syndicats s'intègrent pleinement au monde du travail et influencent les décisions politiques même si en 1906, ils acceptent, par la charte d'Amiens, de ne s'affilier à aucun parti politique. En 1936, durant le tournant du Front Populaire, la loi Waldeck-Rousseau intègre le Code du Travail afin d'ancrer le droit syndicat comme un droit fondamental.

Publié par Adrien RASATA le 03/04/223

Sources

Articles internet :

Vidéos YouTube :

  • UNSaviez-vous #6 _ L’histoire du syndicalisme par la chaîne UNSA Ferroviaire, mise en ligne le 15 octobre 2021 [en ligne] [visionnée le 03/04/2023] Disponible sur : https://youtu.be/LVIlmD6_G4Q

Crédits images :

  1. Portrait de Pierre Waldeck-Rousseau par le photographe Nadar avant 1904. ©Wiki Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Waldeck-Rousseau_(Nadar).jpg
  2. Première page de la loi Waldeck Rousseau. Disponible sur : https://www.gouvernement.fr/partage/10939-promulgation-de-la-loi-dite-waldeck-rousseau-instaurant-la-liberte-syndicale
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