1527 - Sac de Rome

Rome, la cité éternelle, berceau de l’empire romain et du catholicisme, fut à de nombreuses reprises au cours de son histoire, assiégée et saccagée par de troupes étrangères comme les Celtes de Brennus (390/387 avant J.-C.) ou les Goths d’Alaric (410). Moins connu mais tout aussi dévastateur, voire davantage, est celui des lansquenets de l’empereur en 1527 contre le pape Clément VII. Alors que les guerres d’Italie dévastent la péninsule, Rome est menacée et attaquée par une armée de mercenaires combattant pour le compte de l’empereur Charles Quint à cause d’une alliance avec le roi de France François Ier. Cet événement a marqué à la fois les mémoires mais aussi les murs, les mentalités et la culture de l’époque, par son retentissement.

Sac de rome 1527 Sacrifice des gardes suisses au pied de la basilique Saint-Pierre de Rome

À l’origine du conflit, la ligue de Cognac

En 1527, l’Italie est divisée à cause des guerres d’Italie. Les communes indépendantes (Milan, Venise, Gênes, Florence …) se battent pour le contrôle de la péninsule. Elles doivent également faire face aux prétentions territoriales du pape qui veut étendre ses États, ainsi que cellesLe pape clement vii par sebastiano del piombo 1531 de Charles Quint qui possède le royaume de Naples au Sud et des territoires en Lombardie au nord. De plus, François Ier, le roi de France, entame depuis 1515 des campagnes dans la péninsule pour récupérer un héritage perdu, celui des Angevins de Naples, et le garder. Mais après sa défaite à Pavie en 1525, la péninsule est pratiquement sous le contrôle de Charles Quint. Il est une véritable menace pour les Italiens, en particulier le pape qui se sent de plus en plus encerclé. 

En mai 1526, le pape Clément VII (portrait ci-contre) entre en contact avec les villes de Milan, de Venise, de Gênes et de Florence, ainsi que l’ennemi absolu de l’empereur, le roi François, pour former une alliance défensive contre les prétentions impériales. Se constitue ainsi la ligue de Cognac, lieu de la signature du traité. Ayant eu vent des entreprises du pape, l’empereur charge le cardinal Pompeo Colonna de forcer la main du pontife pour qu’il quitte l’alliance. Pour forcer la main du pape, le cardinal envahit Rome en septembre 1526 et le contraint à signer un traité d’alliance avec l’empereur. Mais une fois Colonna parti, Clément VII revient sur sa parole et reprend des négociations avec la ligue de Cognac. Ulcéré, Charles Quint envoie une armée de 20 000 hommes contre les États pontificaux, sous le commandement du connétable Charles III de Bourbon, surnommé le « connétable de Bourbon », le chef des armées impériales en Italie.

La marche sur Rome

L’armée de Charles de Bourbon (portrait ci-contre) est composée d’un détachement de 5 000 soldats espagnols ainsi que 14 à 16 000 lansquenets, des mercenaires allemands, auxquels s’ajoutent 5 à 6 000 mercenaires italiens. Les lansquenets sont sous les ordres du général Goerg von Frundsberg.Charles iii de bourbon le connetable bourbon Il est cependant atteint d’une attaque au tout début de la campagne qui ne lui permet plus de diriger ses hommes et doit quitter l’armée. Il meurt quelques temps plus tard. Charles de Bourbon devient, de facto, le chef unique de l’armée. Au cours de la marche vers Rome, les Impériaux se ravitaillent sur le pays en pillant villes et champs mais les campagnes coûteuses de Charles Quint l’ont privé des fonds nécessaires pour payer les mercenaires. Pour éviter la débandade, Charles de Bourbon, promet à ses hommes qu’ils pourront piller comme ils l’entendent, les richesses de Rome. En majorité protestants luthériens, les lansquenets ne rechignent pas à aller piller les terres catholiques, notamment lorsqu’il s’agit de leur capitale spirituelle.

Ils arrivent à Rome le 5 mai 1527. La ville n’est défendue que par une milice urbaine en faible nombre et mal équipée, une compagnie de mercenaires, les Bandes Noires, de 5 000 hommes et 189 gardes suisses pour la protection rapprochée du pape. Malgré des défenses très faibles, un mur d’enceinte en piteux état, les défenseurs peuvent compter sur l’appui de canons et la présence du château Saint-Ange (Castel Sant’Angelo) à l’entrée ouest de la ville. C’est sur cette petite partie de ville, le Vatican, territoire du pape excentré par rapport au reste de la ville, séparé par le Tibre et où se trouve la basilique Saint-Pierre, que le connétable de Bourbon décide d’attaquer.

 

                                                                                                                           TOP 10 : Meilleurs Guerriers et Unités d'Élite | Medieval ...

Mercenaires lansquenets

La bataille et le sac de Rome

Le 6 mai, les Impériaux attaquent au petit matin. Les Romains parviennent à offrir une résistance digne de ce nom grâce aux canons dont sont dépourvus les assaillants. Les arquebuses des assiégés font également beaucoup de dégâts. Mais le feu nourri de ces armes crée un brouillard épais qui empêche les tireurs de viser précisément. Grâce à ce couvert, Charles de Bourbon décide d’attaquer les murs avec des échelles d’assaut. Vêtu d’une tunique blanche, comme à son habitude et pour être vu de ses hommes, il grimpe sur une échelle. Il est aussi devenu particulièrement visible pour les tireurs ennemis. Il est mortellement touché par une balle d’arquebuse et s’effondre. Désormais sans chef, les lansquenets et les soldats espagnols entrent dans une furie meurtrière et assaillent sans relâche les remparts jusqu’à qu’ils surpassent en nombre les défenseurs. Après quelques heures, les mercenaires pénètrent dans Rome.

Mort de charles iii de bourbon durant le sac de rome

Mort du connétable de Bourbon, gravure de Martin van Heemskerck (1555)

Les Impériaux fondent sur les habitations romaines et tuent toute personne qu’ils rencontrent. Le pape se trouvait alors dans la basilique Saint-Pierre lorsque ses ennemis entrent dans la ville. Protégé par ses gardes suisses, il quitte la basilique et prend un passage secret (le passetto) pour atteindre le château Saint-Ange. Ils sont alors interceptés par les lansquenets qui les attaquent. 147 gardes décident de former une ligne de défense pour permettre au pape et à 42 autres gardes d’arriver sains et saufs au château. Rompus au combat en ligne et entourés de leurs camarades, les gardes suisses forment un dernier rempart et offrent une résistance tenace sur les marche de la basilique. Armés de leurs hallebardes et d’épées, ils défendent au péril de leur vie le grand pontife. Malheureusement, ils sont surpassés par le nombre et sont tués jusqu’au dernier. Grâce à leur sacrifice, le pape parvient jusqu’aux portes du château et se barricade.

Depuis son abri, le pape assiste, horrifié, au sac de Rome par les lansquenets. Les hommes sont tués sans distinction. Les tueurs sont tels des démons venus anéantir la catholicisme et la Ville éternelle. Les femmes, dont les moniales, sont violées puis tuées ; les enfants ne sont pas épargnés ; les religieux encore moins. Prêtres comme cardinaux sont passés au fil de l’épée et certains deviennent des esclaves. Certains mercenaires se travestissent même en cardinal et paradent en ville. Les lansquenets n’hésitent pas à torturer les habitants pour savoir où se trouvent leurs trésors. Les lieux sacrés sont détruits par la fureur des mercenaires protestants qui refusent les représentations de Dieu ou de Jésus et la présence d’œuvres d’art païen. Les peintures sont arrachées, recouvertes d’inscriptions, déchirées, les sculptures détruites, etc. Les artistes qui n’ont pas réussir à fuir le sac sont tués ou émasculés. En un seul jour, c’est une la ville et sa culture qui sont mises en pièces.

Sac de rome par francisco javier amerigo y aparici

Sac de Rome par Francisco Janvier Amérigo y Aparici (1887)

Fin de l'occupation et conséquences du sac

L’empereur n’est pas au fait de ce que ses troupes ont fait. Il est alors en Espagne pour accueillir la naissance de son fils Philippe, futur Philippe II. Lorsqu’il apprend la nouvelle, il est bouleversé et s’enferme un moment dans la prière. Il entame ensuite des négociations entre ses hommes et le pape, toujours dans son château, pour apaiser la situation. En décembre 1527, le pontife accepte de quitter Rome en échange d’un sauf-conduit qu’il obtient et s’installe à Orvieto. Les lansquenets ont ensuite ordre de quitter la ville. Ils le font par petits groupes et c’est seulement en février 1528 que le dernier mercenaire quitte Rome, après une occupation de 8 mois.

Au cours de cette période, Rome la Superbe, la Ville Éternelle, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les estimations avancent que sur les 55 000 habitants présents, 45 000 sont morts, soit des suites des combats et des pillages, soit à cause d’une épidémie de peste qui s’est déclarée à cause des cadavres qui n’ont pas été enterrés. Les lansquenets ont souffert de la maladie. Près de la moitié des leurs sont morts après les combats. De nombreux trésors de l’Église ont été détruits ou volés, dont des monuments antiques. La basilique Saint-Pierre, encore en construction au moment de l’attaque, n’est terminée qu’en 1534, sous le pontificat suivant de Paul III.

De ce drame qui n’a que peu d’équivalents dans l’histoire, les contemporains et les historiens ont retenu l’horreur des massacres contre une ville qui symbolisait la splendeur de la Renaissance. Avant le siège, Rome était une ville d’artistes avec des peintres et sculpteurs comme Rafael ou Michel-Ange. Clément VII était un pape mécène et le raffinement de sa cour a permis l’émergence d’un art particulier, le maniérisme ou art clémentin, qui met en avant les formes et les courbes. Ces artistes quittent Rome pour les villes alentours comme Florence ou bien Naples. Certains cherchent au-delà de la péninsule italienne, comme à la Cour de France, à Fontainebleau, fleuron de l’art sous François Ier.

Plus qu’un affrontement entre partis politiques, le sac de Rome de 1527 est aussi une opposition entre deux religions, protestants contre catholiques, en pleine période d’apparition de la Réforme protestante. Elle annonce, sans être la seule cause, les désastres des guerres de Religion de la fin du XVIe et surtout du XVIIe siècle.

Héritages du sac de Rome

En homme au sacrifice des gardes suisses, les soldats de la garde pontificale prêtent désormais serment de loyauté envers le pape tous les 6 mai.

L’événement est entré dans l’histoire et la culture populaire, notamment dans la musique avec le titre The Last Stand du groupe de métal suédois, Sabaton. Le titre raconte, de manière héroïque et romancée, proche des épopées grecques et médiévales, le sacrifice des 147 gardes suisses, rappelant au passage celui des 300 Spartiates aux Thermopyles.

Garde suisse pretant serment le 6 mai

Garde suisse prêtant serment le 6 mai ©AFP

 

 

Publié par Adrien RASATA, le 21/12/2021

Sources, bibliographie et sitographie

Ouvrages et articles :

Articles internet :

Vidéos YouTube :

  • Le sac de Rome, l’essor de Fontainebleau par la chaîne Artcothèque, mise en ligne le 24 août 2020 [en ligne] [visionnée le 09/12/2021] Disponible sur : https://youtu.be/WBipAsgNKc4
  • Metalleux Curieux # 1 – Sabtaon et sac de Rome (1527) – REMAKE par la chaîne Metalleux Curieux, mise en ligne le 6 septembre 2019 [en ligne] [visionnée le 29/11/2021]. Disponible sur : https://youtu.be/fp4Y4Jtl3RA
  • Sack of Rome 1527 – What happened after ? par la chaîne Pike & Shot Channel, mise en ligne le 16 août 2020 [en ligne] [visionnée le 29/11/2021]. Disponible sur : https://youtu.be/FbjXwkvMdEg
  • The 1527 Sack of Rome par la chaîne The History Guy : History Deserves to Be Remembered, mise en ligne le 18 février 2019 [en ligne] |visionnée le 29/11/2021]. Disponible sur : https://youtu.be/LdFT-VarMFc
  • The Last Stand – The 1527 Sack of Rome – Sabaton History 044 [Official] par la chaîne Sabaton History, mise en ligne le 5 décembre 2019 [en ligne] [visionnée le 29/11/2021] Disponible sur : https://youtu.be/vZ6wr90FNvI
  • The Last Stand of the Swiss Guards – The Sack of Rome in 1527 par la chaîne History with Hilbert, mise en ligne le 16 juin 2018 [en ligne] [visionnée le 29/11/2021]. Disponible sur : https://youtu.be/Dh-hLauV_nM
  • The Sack of Rome 1527 – The darkest Hour of the Landskenechts par la chaîne SandRhoman History, mise en ligne le 16 août 2020 [en ligne] [visionnée le 29/11/2021]. Disponible sur : https://youtu.be/8QNXmPCY3jo

 

Crédits images :

  1. Le sac de Rome – 1527, Auteur inconnu, XVIIe siècle. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Il-sacco-di-roma_1527.jpg
  2. Portrait du pape Clément VII par Sebastiano del Piombo, 1531, Disponible sur :  (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:El_papa_Clemente_VII,_por_Sebastiano_del_Piombo.jpg
  3. Portrait de Charles III de Bourbon, par Jean Clouet, vers 1520. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Connetable_Bourbon.jpg
  4. Illustration de lansquenets. Auteur inconnu. Disponible sur : https://medieval-fantasy.fr/blogs/blog-medieval/top-10-guerriers-et-combattants
  5. Mort de Charles III de Bourbon, gravure par Martin van Heemskerck, 1555. Disponible sur : https://www.messagetoeagle.com/sack-of-rome-took-place-on-may-6-1527/
  6. Sac de Rome par Francisco Javier Amérigo y Aparici, 1887. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Del_saqueo_de_Roma,_de_Francisco_Javier_Am%C3%A9rigo_(Museo_del_Prado).jpg
  7. Garde suisse prêtant serment le 6 mai 2012. Source : AFP. Disponible sur : https://www.24heures.ch/suisse/vingtsix-gardes-suisses-pretent-serment-vatican/story/25410585
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire