Bataille de Marathon

Marathon, une plaine côtière sur le littoral de l'Attique, est le lieu où s'est joué le sort de Carte marathon 1la Grèce face aux projets d'expansion du roi perse Darius Ier. Une bataille contée et racontée jusqu'à nos jours dans de nombreux textes dont l'unique source est le traité de l'historien grec Hérodote, le père de l'Histoire moderne avec une série de neuf livres intitulée Histoire. Hérodote reste à ce jour la seule source écrite qui nous est parvenue. Une vision unique de la bataille en lien avec le peu de publicité qu'elle a suscité chez les Perses en lien avec un retard momentané dans la conquête de la Grèce. Bref, on a un affrontement qui ne peut être observé que grâce au récit que nous fait Hérodote auquel on associe les traces archéologiques retrouvées sur place. C'est notamment le cas pour un casque qui aurait appartenu à l'un des généraux grecs, Miltiade. Toutefois, d'autres auteurs ont écrit sur cette bataille, mais de nombreuses interrogations restent en suspens. Le cas le plus parlant est celui des effectifs impliqués. Pour Hérodote, les Grecs ont envoyé sur place 9 000 Athéniens et 1 000 Platéens tandis que les Perses auraient eu une flotte d'invasion de plus de 200 000 hommes avec plusieurs centaines de navires. Malgré la supériorité numérique flagrante de l'armée perse, les Grecs en sortent vainqueurs avec seulement 192 morts contre plus de 6 000 Perses. Des chiffres justes ? La question demeure. Mais il n'en reste pas moins que Marathon reste une victoire grecque et que 490 avant J.C marque un tournant dans l'histoire de la Grèce.

                 Marathon

Aux origines des guerres médiques, la révolte ionienne

La Grèce et l’Empire perse sont deux ennemis qui se sont affrontés au début du Ve siècle avant J.-C, dans ce que les historiens antiques et actuels nomment les guerres médiques. Le nom viendrait des Mèdes, un peuple d’Anatolie conquis par les Perses au VIe siècle et associés à ces derniers par les Grecs. Elles sont rythmées par de petits conflits localisés autour de la mer Égée et par de plus grandes opérations militaires dont les plus importantes sont Marathon, Salamine et Platée. Ces guerres ont été réutilisées par les auteurs et conteurs grecs comme l’exemple de l’effort commun, tout relatif, des cités-États pour affirmer leur culture et leur liberté vis-à-vis du conquérant perse. C’est une guerre qui se veut comme l'affrontement entre le monde civilisé grec et celui des barbares venus d’Orient.  

L’Empire perse se construit au VIe siècle et englobe tous les peuples situés entre les côtes méditerranéenne de l’Asie Mineure, Turquie actuelle, et les confins de l’Iran. Ensemble multiculturel, il concentre le pouvoir autour d’un souverain appelé le Grand Roi. Ses conquêtes amènent l’empire à s’étendre jusqu’aux colonies grecques d’Ionie, la région côtière à l’ouest de l’Asie Mineure, avec des cités comme Milet ou Smyrne. Elles sont pour la plupart gouverné par un tyran, une forme de gouvernement commune pour l’époque et loin des imaginaires actuels.Grèce antique — Wikipédia Voulant gagner leur liberté, des cités d’Ionie renversent leur tyran au début du Ve siècle. Ces derniers s’enfuient chez le Grand Roi Darius Ier pour lui demander de soumettre les cités rebelles. Voyant la menace arrivée, l’un des derniers tyrans ioniens, Aristagoras de Milet, envoie un message de détresse aux cités de la Grèce en 499. Seules Athènes et Érétrie répondent à l’appel. Un corps expéditionnaire de 25 trières est constitué (20 pour Athènes et 5 pour Érétrie) pour environ 4 000 hommes. Une fois arrivés en Ionie, les Grecs avancent rapidement en terres perses. En 498, ils pillent l’une des capitales provinciales de l’empire, Sardes, qu’ils mettent à feu et à sang et s’emparent des trésors du temple d’Ahura Mazda, l’une des principales déesses perses. C’est un acte impardonnable pour les Perses qui lèvent une immense armée en représailles. Darius Ier parvient en quelques semaines à repousser les Grecs aux portes de l’empire qui quittent ses terres de peur d’être anéantis. Ce faisant, il laisse les cités ioniennes à la merci des Perses. En 494, dans un ultime acte de résistance, les Ioniens sont défaits à la bataille navale de Ladè. Les survivants deviennent des esclaves et les cités sont rasées.  Bien que vainqueur, Darius garde en mémoire l’intervention des Grecs dans la révolte des Ioniens et surtout dans le sac du temple de Sardes. Tout au long de la décennie 490, il prépare sa vengeance l’invasion de la Grèce.

Du côté grec, les cités-Etats sont peu impactés par les événements d’Asie Mineure, sauf Athènes. La cité d’Athènes est depuis une vingtaine d’années une démocratie, la première de l’histoire. Une démocratie certes bien différente de sa conception actuelle. Elle est le résultat de l’éviction du dernier tyran, Hippias, en 510. Ce dernier faisait partie de la dynastie des Pisistratides qui ont régné en tant que tyran depuis 561 lorsque le père d’Hippias, Pisistrate, prend, de manière autoritaire, le pouvoir. À sa mort en 527, lui succèdent ses deux fils, Hipparque et Hippias. Alors que le premier est assassiné en 514, le second est contraint à l’exil s’il ne veut pas connaître le même sort. Pour se venger, il cherche l’aide du plus puissant allié de la région, l’Empire perse. Il entre à la cour de Darius et lui promet Athènes en échange de sa participation s’il l’aide à restaurer son pouvoir. Darius accepte et Hippias en profite pour planifier l’invasion en offrant son expertise des  faiblesses athéniennes au roi perse.

L'invasion de la Grèce

Tandis que le roi perse prépare sa flotte et son armée, il envoie en 492 son général, Mardonios, conquérir les terres des régions septentrionales de la Grèce, la Thrace et la Macédoine, afin de mettre en place une tête de pont pour son invasion. Il envoie également de nombreux messagers auprès des cités grecques indépendantes leur offrant sa protection et son soutien en échange d’un peu « de terres et d’eau », autrement dit le contrôle de leur territoire. Dans le cas d’un refus, la cité serait détruite et sa population mise en esclavage. Face à l’offre perse, la plupart des cités grecques ouvrent leurs portes à l’armée perse. Seules s’y opposent les cités d’Athènes et de Sparte. Une occasion rêvée pour Darius pour venger le sac des Athéniens de 498

Carte de la première guerre médique

Au printemps 490, Darius divise son immense armée, plusieurs millions d’hommes d’après Hérodote, en deux corps, le premier, sous le commandement de Mardonios, prend la route du nord à travers les terres, et le second sous le commandement de l’amiral Datis, traverse la mer Égée vers l’Attique, territoire d’Athènes. En chemin, la flotte de Datis s’arrête en Eubée où elle pille Érétrie et massacre sa population, les survivants sont ensuite pris comme esclaves. Athenian hoplite | Ancient Greek Warriors | Pinterest Elle fait ensuite cap au Sud pour atteindre Athènes. Redoutant le sort de son ancien allié, les Athéniens craignent pour leur vie et leur mode de vie. Les dirigeants athéniens envoient un messager à Sparte pour lui demander son appui. Sparte ne répond malheureusement pas favorablement à l’appel d’Athènes. La cité est en effet en pleine fête religieuse des Carneia (ou Karneia) qui interdit toute activité militaire. Athènes est alors livrée à elle-même pour se défendre contre les millions de Perses qui s’approchent de ses côtes. Un millier d’hoplites (nom du fantassin grec) arrivent cependant en renfort de Platée.

Athènes est cependant fortement divisé politiquement à la veille de la bataille. Miltiade et Thémistocle, deux stratèges, les chefs militaires athéniens, prêchent l’intervention armée auprès de leurs concitoyens tandis que leurs opposants préfèrent la soumission pour ne pas faire couler le sang d’innocents. La cité se range, après moultes débats, du côté de Miltiade et Thémistocle qui ont mis en avant la protection de la cité et de la démocratie contre l’infame envahisseur perse venu les réduire en esclaves. Les deux commandants parviennent à lever une armée de citoyens-soldats de 9 000 hoplites. Ajoutés aux Platéens, le dernier rempart pour la liberté des Grecs se constitue de seulement une dizaine de milliers de soldats venus défendre leur terre, face à des centaines de milliers (les chiffres varient suivant les auteurs) de Perses.

La bataille de Marathon

En septembre 490, la flotte de Datis se rapproche de l’Attique et sur les conseils d’Hippias, qui a réussi à faire partie de l’expédition, prend le cap de la baie de Marathon, à l’est d’Athènes, pour débarquer l’armée et le matériel pour le siège de la cité. L’objectif est également d’éloigner le plus possible les Grecs pour qu’ils ne puissent pas recevoir de renforts à temps ou pour partir secourir leur cité.

Lorsque les deux armées se retrouvent face à face, les Grecs sont stupéfaits de la marée noire de soldats perses qui viennent de débarquer sur la côte. Ces derniers sont en plein déchargement lorsqu’apparaissent au loin les cuirasses des Athéniens et Platées arrivés au pas de course depuis Athènes. Les deux armées se font face et attendent le premier pas de l’adversaire pour engager les hostilités. Miltiade, désigné comme commandant en chef des Grecs, décide de temporiser et envoie un messager, prénommé Philippidès, prévenir Sparte de l’arrivée des Perses. Depuis Marathon, le messager parvient, selon la légende, à parcours en temps record la distance entre les deux lieux. Fatigués d’attendre, Miltiade décide de lancer la charge. Sur son ordre, les hoplites forme la phalange.Les hommes seLa bataille de Marathon - Histoire et Civilisations Anciennes regroupent en ordre serré, le bouclier au côté pour protéger son corps et celui du voisin et les lances pointées vers l’ennemi. Tout juste débarqués et fatigués eux-aussi de l’attente, les Perses ne sont pas aussi disciplinés. Les fantassins perses composent le gros de leur armée et sont soutenus par des archers et des unités de cavalerie sur les flancs. Rompus aux manœuvres collectives, les Grecs se lancent en courant contre les rangs perses. Malgré les flèches et les charges des cavaliers, les Perses sont rapidement mis en déroute et renvoyés vers leurs vaisseaux. Les hoplites sont en effet des troupes de choc qui refusent l’usage de l’arc et la cavalerie est trop précieuse pour être employée sur le champ de bataille. L’urgence de la bataille n’a permis que l’emploi de fantassins. Les hoplites ont donc cherché à aller au corps à corps où leur formation est la plus redoutable, le plus tôt possible.


Une fois la bataille terminée, selon les dires d’Hérodote, les Grecs accusent seulement 192 pertes tandis que les Perses voient 6 000 des leurs reposer sur la plaine de Marathon. C’est un véritable exploit guerrier pour les Grecs. Toutefois, parmi les pertes se trouvent le général Callimaque (Karlimarchos), archonte polémarque, c’est-à-dire membre du collège des dix archontes, des magistrats chargés de la politique de la cité et ici responsable de l’armée, ainsi que le stratège Stésiléos.


Malgré sa défaite, l’amiral Datis veut toujours soumettre Athènes et avec le reste de sa flotte contourne les côtes de l’Attique et se dirige vers la cité. Pour protéger leur patrie, Miltiade et l’armée d’hoplites rejoignent Athènes au pas de course. Ils y parviennent avant les Perses après huit heures tandis que le flotte de Datis met plus d’une dizaine d’heures. L’objectif de ce dernier est de prendre le port de Phalère et de prendre la route d’Athènes ensuite. Voyant qu’il a été devancé et ne voulant pas réitérer le désastre de Marathon, il ne débarque même pas et reprend la mer direction l’empire perse pour faire son rapport auprès de Darius Ier. Sur le chemin du retour, Datis et Hippias trouvent tous les deux la mort, le premier sans doute des suites de blessures à Marathon et le second lors du naufrage de son navire.
             

Batle of Marathon

Les conséquences de Marathon

Lorsque les hoplites rentrent chez eux, ils sont accueillis en véritables héros. Ils sont parvenus, grâce à la force de leur armée et de leur discipline, à vaincre un ennemi mainte fois supérieur en nombre. Ils ont ainsi pu sauver Athènes du sort qui l’attendait. La propagande politique suit rapidement les faits historiques et au lendemain de la bataille, Miltiade et ses hoplites deviennent les marathonomaques, les héros de Marathon. Si jusqu’alors les Spartiates occupaient la place de meilleure armée du monde grec, les Athéniens leur ravissent cette place. La victoire de Marathon sert également d’argument pour le développement de l’impérialisme athénien en Grèce et en mer Égée auprès des cités voisines tout au long du Ve siècle.

À Athènes, un culte de Marathon se construit avec l’édification d’un temple à Delphes et les morts sont inhumés avec le plus grand des honneurs. Miltiade et Thémistocle deviennent les grands hommes d’Athènes et leur renommée leur permet d’approfondir leur réseau de clientèle auprès des élites politiques athéniennes. L’hoplite devient le soldat par excellence du monde grec car il a su par la discipline et la ténacité à vaincre son ennemi, peu importe le nombre et l’équipement.

Des représentations théâtrales et picturales de la bataille sont réalisées très vites dans la cité et le mythe de Marathon entre dans la légende et l’histoire. Au XIXe siècle, Pierre de Coubertin, inventeur des Jeux olympiques modernes, utilise les exemples de la marche forcée, aller-retour, des Athéniens entre la cité et Marathon ainsi que les performances sportives des messagers, Philippidès qui parcourue en tout près de 240 kilomètres entre Sparte et Athènes, et un autre, Euclès, qui a couru prévenir Athènes de la victoire de Marathon et serait mort d’épuisement une fois la tâche réalisée, pour développer la discipline olympique éponyme. Marathon est également reprise dans la culture populaire actuelle à travers l’exemple de 300 : La naissance d’un empire de Noam Murro en 2014.

 

 

Publié par Adrien RASATA le 26/10/2020

Sources et bibliographie

Ouvrages :

  • Brun Patrice, Le monde grec à l'époque classique 500 – 323 av J.-C, Paris, Armand Colin, 2016, 300p
  • Garlan Yvon, La guerre dans l'Antiquité, Paris, Nathan U. Fac Histoire, 1999 (3e édition mise à jour), 231p

Vidéos :

  • Vidéo Youtube : Documentaire National Geographic Channel - La bataille de Marathon, disponible sur la chaîne Histoires & Ancêtres [https://www.youtube.com/watch?v=DvjSCCQQ4FM] [visionnée le 26 octobre 2020]

Crédits images :

  • 1) Carte de l'Attique, disponible sur : https://lewebpedagogique.com/asoulabaille1/niveau-6e/histoire/grece-antique/la-bataille-de-marathon/
  • 2) Représentation de la bataille de Marathon, disponible sur : https://theatrum-belli.com/histoire-chronique-culturelle-du-13-septembre/
  • 3) Carte de la Grèce antique, disponible sur  : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ce_antique
  • 4) Itinéraire des armées perses durant la première guerre médique, disponible sur  : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2011/03/iran-annees-70-7-disfahan-chiraz.html
  • 5) Représentation d'un hoplite athénien, disponible sur : https://www.pinterest.fr/pin/558376053772349817/?nic_v2=1a3wmALeu
  • 6) Plan de bataille de Marathon, disponible sur : https://www.histoire-et-civilisations-anciennes.com/la-bataille-de-marathon/
  • 7) Représentation de la bataille de Marathon, disponible sur  : https://taigong788.skyrock.com/3169102945-La-bataille-de-Marathon.html
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