Le Kilt

À côté de la cornemuse et du gaëlique, il n’existe pas de symbole plus fort pour représenter l’Ecosse que le kilt. Ce vêtement symbolise à lui seul ce pays du nord de la Grande-Bretagne. Composé du fameux tartan, le kilt est l’habit par excellence des hommes écossais. Pour le grand public, il s’agit d’une relation plurimillénaire entre l’homme et son tartan. En réalité, cette tradition n’a pas 300 ans mais son importance dans la société est bien plus forte que son âge. Retour sur les origines et les secrets du kilt.

Differents kilts ecossais

Différents kilts portés par des Écossais

Les origines du kilt, le féileadh-mòr

Nul ne sait de quand date la création du tout premier kilt. Certains avancent qu’il s’agit d’une adaptation d’un vêtement norvégien amené lors des invasions vikings sur les îles britanniques (VIIIe – XIe siècle). Au XVIIe siècle, peut-être même déjà au XVIe siècle, les Écossais, surtout les roturiers, plus que les nobles, portaient une grande étoffe de laine, appelée plaid. Elle était longue de 6 à 10 mètres et larges de 2 mètres. Elle était pliée plusieurs fois puis ceinturée à la taille. Les surplus de longueurs étaient soit accrochés à l’épaule soit servaient de couverture pendant les journées froides et de protection contre la pluie et le vent. Ce vêtement multifonction fut par la suite appelé féileadh-mòr ou « grand kilt ». Il est encore porté aujourd’hui, par certains passionnés, et peut se retrouver sur des portraits de seigneurs écossais des XVIIe et XVIIIe siècles.

Illustration du grand kilt

Illustration du grand kilt écossais. ©histoire-fr.com

Création du kilt moderne au XVIIIe siècle

Le grand kilt perd cependant en popularité au XVIIIe siècle, remplacé par une version plus courte que l’on connaît tous aujourd’hui. Son invention viendrait d’un directeur d’usine, Thomas Rawlinson, un Anglais, dans les années 1720. C’est alors le début de la « révolution industrielle ». Les forges deviennent de plus en plus fréquentes dans le paysage urbain et les ouvriers sont de plus en plus nombreux. Le travail de la forge implique, en premier lieu, le feu, et le long tissu du grand kilt n’est pas adapté à côté celui-ci. Sur une idée de Rawlinson, le kilt est raccourci pour finir par n’entourer que la taille et se terminer à hauteur des genoux. C’est ainsi que le « petit kilt » ou èileadh beag est créé.

De vêtements de travail, il est rapidement devenu un symbole de la culture écossaise, principalement des Highlands, d’où est originaire le grand kilt. Les nobles commencent à le porter avec le tartan, une étoffe de laine avec des motifs rectangulaires propres à des régions et ensuite à des clans. De cette façon, l’appartenance familiale et régionale se donne à voir par le costume.

Differents types de kilt

Nobles écossais portant le grand kilt. On voit apparaître les décors et symboles claniques propres aux porteurs de kilts.

D’un habit d’ouvrier et à un symbole écossais

Cependant, cette appartenance devient un problème au milieu des années 1740. En 1688, le roi d’Angleterre, Jacques II Stuart, un descendant de la famille des Stuarts d’Écosse, est renversé lors de la Glorieuse révolution. Face à ce changement de régime, des partisans du roi Jacques, les jacobites, espèrent le rétablir, lui ou l’un de ses héritiers, sur le trône. La plus importante de ses tentatives se passe lors de la révolte jacobite de 1745 – 1746. Sous la direction du prince Charles (surnommé Bonnie Prince Charlie), des milliers d’Écossais tentent de renverser le pouvoir. Malheureusement pour eux, c’est un échec, réprimé dans le sang. Pour empêcher toute récidive, le gouvernement anglais décide de détruire tout ce qui fait l’Écosse, en commençant par l’habit. En 1746, il promulgue le Dress Act (ou Disclothing Act) qui interdit tous les vêtements en rapport avec le tartan, en visant en particulier le kilt était devenu l’habit des révoltés, face au pantalon anglais. Le tartan est prohibé et le gaëlique disparaît des rues.

Révolution jacobite (1745-1746)

Illustration de la révolte jacobite de 1745 - 1746. On peut y voir les révoltes en kilt

Le Dress Act oblige ceux qui persistent avec le tartan et le kilt de se cacher. Certains parviennent, dans le secret le plus absolu, à en maintenir l’usage. Finalement, en 1782, le Dress Act est abrogé. Le kilt fait alors lentement son retour dans la garde-robe des Écossais.

Au-delà du monde civil, le kilt se diffuse également dans l’uniforme militaire. Il devient un élément des régiments écossais, à l’image des grenadiers écossais à la fin du XVIIIe et début du XIXe siècle et plus tard, les célèbres Black Watch et Royal Scots Dragoon Guards. Durant la Première Guerre mondiale, certains régiments étaient encore habillés avec le kilt. C’est également du monde militaire que vient l’appellation de porter le kilt à la mode « régimentaire » car les soldats préféraient porter le kilt sans sous-vêtement. Lorsque l’habitude est devenue courante à un régiment, elle est devenue régimentaire.

Joueur de cornemuse en kilt premiere guerre mondiale

Illustration d'une charge d'infanterie écossaise lors de la bataille de la Somme (1916)

Au XIXe siècle, en particulier sous le règne de la reine Victoria (1837 – 1901), les Britanniques se tournent sur le Moyen Âge et les traditions anciennes pour construire leur culture. Le kilt fait partie de ces éléments sortis de l’ombre et qui devient l’un des symboles de l’identité écossaise, alors très romantisée. C’est ainsi qu’il se diffuse au sein de la noblesse mais, surtout, dans le peuple avec la diffusion des tartans régionaux et claniques. Sorti du placard, le kilt est devenu le vêtement de l’Écosse.

Composition traditionnelle du kilt

Pour un Écossais, porter le kilt est une affaire tout à fait sérieuse. C’est bien plus qu’un bout de tissu et il comprend plusieurs accessoires qui viennent compléter et individualiser le kilt.

La matière première du kilt, c’est, bien évidemment, le tissu. Il existe plusieurs formes selon les régions et les pratiques. Traditionnellement, les Écossais utilisent le tartan, c’est-à-dire de la laine. Mais avec la popularisation du kilt à l’international, des versions en cuir ou en tissus plus légers sont apparues. Dans le petit kilt, la bande de tissu, que l’on va assumer être du tartan, est réduite à 5 mètres (environ 5 yards dans les mesures britanniques). Pour les occasions plus solennelles, la bande passe à 7 mètres (8 yards). Elle est ensuite pliée plusieurs fois et mise autour de la taille du porteur. Point essentiel, les plis ne doivent pas être visibles de face. Pour cela, deux pans de tissus viennent se rejoindre devant, l’un par-dessus l’autre, laissant ainsi un kilt bien lisse et présentable. Pour attacher les deux pans, une épingle est accrochée dans le coin inférieur droit, souvent en forme d’épée avec le blason familial sur la garde.

Pour tenir le tartan, une ceinture vient serrer le tout. Souvent de cuir noir ou marron, elle possède aussi le blason familial (ou crest) sur sa boucle. Pour les kilts les plus précieux, la ceinture peut aussi présentée des entrelacs sur le cuir.

Le kilt est ensuite complété avec des accessoires extérieurs. Le premier est le sporran, une petite sacoche accrochée à la ceinture. Le kilt ne possède pas de poche, ce qui explique sa présence. Il peut être de différents motifs suivant le porteur et d’où il vient.

Plus bas, le kilt prend également en compte les chaussettes et chaussures du porteur. Les chaussettes, en laine, doivent remonter au moins à mi-mollet et être retroussée sur le dessous. Particularité écossaise, et souvenir de temps plus martiaux, on peut y trouver une petite dague traditionnelle, la sgian dubh. Selon les modes, les chaussettes peuvent arborer les couleurs familiales. Enfin, les chaussures peuvent être contemporaines ou alors plus anciennes comme les ghillies brogues. Elles sont en cuir et avec de longs lacets qui viennent se nouer autour de la cheville.

Pour ce qui est des sous-vêtements, cela dépend du choix du porteur. Il n’existe pas d’injonction particulière. Si leur absence est une pratique courante, il est tout à fait normal de faire avec, notamment pour les débutants. Quant à savoir si une personne a fait tel ou tel choix, c’est une question très intime. Pour les plus poètes des Écossais, ils diront, qu’en dessous, ils ont « l’avenir de l’Écosse » (The future of Scotland en anglais).

Mannequins kilt

Mannequins en kilt pour la marque ©Medium

Honneur et prestige écossais

Vêtu de votre plus beau kilt, il est temps de savoir où et quand le porter. De nos jours, le kilt se retrouve dans toute l’Écosse et en toute occasion. Toutefois, pour la majeure partie de la population, il est réservé aux occasions spéciales. Il est donc courant de le voir lors de mariages, baptêmes, réunions familiales mais aussi, plus étonnamment, lors des jeux festifs que sont les Highland Games. Véritables rencontres sportives, ces journées mettent en jeu les capacités physiques des clans dans des sports où sont mis en avant la dextérité, la force, l’adresse et le travail d’équipe. Il s’agit aussi de vrais temps conviviaux où les Écossais se retrouvent et partagent un bon moment.

Sportifs ecossais lors des highands games

Ecossais en kilt lors d'une épreuve de force pendant les Highland Games. Crédits : Scottish Viewpoint/Alamy

Depuis sa démocratisation au XIXe siècle, le kilt en tartan est devenu un symbole de fierté pour les Écossais. Il raconte l’histoire du pays tout en rappelant les origines claniques qui ont façonné les destins collectifs et individuels de l’Écosse. Ainsi, lors de grands événements officiels, il est mis en avant par de grands personnalités comme le roi Charles III qui a créé un nouveau tartan et qui l’a porté en septembre 2023 à Braemer. Plusieurs acteurs sont également vus avec des kilts comme David Tennant, James McAvoy, Graham MacTavish, Richard Madden et plus anciennement, Sean Connery, britannique pour James Bond mais écossais de naissance et de cœur.

On retrouve également le kilt lors des célèbres festivals et marches militaires. Il habille les joueurs de cornemuses lors de leurs traversées urbaines, comme lors du Pipefest ou le Royal Military Tattoo.

Parade lors des highlands games

Parade de musiciens lors des Highland Games

Un vêtement mondialement connu et diffusé

Le kilt n’est pas un vêtement purement écossais. Il se retrouve dans la plupart des pays de culture celtique, c’est-à-dire le Pays de Galle, l’Irlande mais aussi la Bretagne. Des kilts spécifiques sont ainsi présents dans ces régions du monde. Pour le cas de la Bretagne, le kilt n’est traditionnel. Il apparaît pour la première au début des années 2000. En 2002, le tailleur breton Richard Duclos crée le premier tartan breton et l’idée se diffuse ensuite entre les différentes régions et villes de Bretagne.

Dans le reste du monde, le kilt s’est répandu en même temps que la culture britannique. Il a intégré la mode et, bien qu’il s’agisse initialement d’un vêtement pour homme, des versions existent pour les femmes. Les festivals écossais, et plus globalement tous ceux qui promeuvent la culture celtique, participent également à la renommée du kilt et de sa culture à l’internationale. Enfin, il faut aussi mentionner le rôle des œuvres artistiques comme les films qui diffusent au grand public le kilt. On peut ainsi faire appel au film Braveheart (1995) où Mel Gibson incarne un William Wallace vêtu d’un kilt. Bien que totalement anachronique, le kilt y rappelle le lien entre l’Écosse et son grand héros médiéval. Plus récemment, la série Outlander a propulsé le kilt à un autre stade de popularité avec ses héros comme Jamie Fraser (Sam Heughan) et Dougal MacKenzie (Graham MacTavish) qui portent régulièrement le grand kilt.

Scene outlander men in kilt

Photographie promotionnelle de la série Outlander. On peut y voir les héros de la série (Graham MacTavish et Sam Heughan au centre et à droite respectivement)

Publié par Adrien RASATA, le 12/08/2025

Sources

Articles internet :

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Marion. (2025, 4 avril). Tout Savoir Sur Le Kilt : Origine, Traditions Et Port Moderne » ; Guide Loisirs Et Famille. Duokibouj.fr. [en ligne] Consulté le 12 août 2025, à l’adresse https://www.duokibouj.fr/tout-savoir-sur-le-kilt-origine-traditions-et-port-moderne/
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MONTEIL, P. (s. d.). Le kilt, tradition millénaire. Histoire-fr. [en ligne] Consulté le 12 août 2025, à l’adresse https://www.histoire-fr.com/mensonges_histoire_kilt.htm
Umvie. (2023, août 26). La tradition du kilt écossais : origines et symbolisme. Umvie. [en ligne] Consulté le 12 août 2025, à l’adresse https://umvie.com/la-tradition-du-kilt-ecossais-origines-et-symbolisme/

Articles de presse :

Noiriel, G. (2024, 30 janvier). Pourquoi a-t-on oublié que ce sont des ouvriers écossais qui ont inventé le kilt ? France Culture. [en ligne] Consulté le 12 août 2025, à l’adresse https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-histoire/pourquoi-a-t-on-oublie-que-ce-sont-des-ouvriers-ecossais-qui-ont-invente-le-kilt-6024049

Articles Wikipédia :

Contributeurs aux projets Wikimedia. (2025m, août 3). Kilt. Wikipédia. [en ligne] Consulté le 12 août 2025, à l’adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Kilt

Vidéos YouTube :

Tradition : le kilt, c’est culte !, par la chaîne Météo à la carte – France télévisions, mise en ligne le 26 novembre 2025 [en ligne] [visionnée le 12/08/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/LE_YKu6XslQ

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