44 av J.C - Les ides de mars et l'assassinat de Jules César
Les ides de mars sont une fête religieuse romaine visant à honorer les dieux du panthéon romain. Cependant, l’histoire s’est plutôt souvenue de l’assassinat commis ce jour-là de l’année 44 avant Jésus-Christ, celui de Jules César. Inscrit dans les mémoires comme une tentative de sauver une République en déclin depuis plusieurs décennies, la mort du général vainqueur de Vercingétorix et de Pompée le Grand, devait préserver les Romains de ses ambitions, que les rumeurs affirmaient comme monarchiques. La mort de Jules César est un événement qui a marqué les Romains et qui est, aujourd’hui, entré dans la culture comme un meurtre réalisé pour un idéal sans fondement, une erreur qui a même précipité la fin de la République et enfin, un meurtre parricide car l’un des assassins était considéré par César comme un fils, Brutus, celui, immortalisé par Suétone par la fameuse phrase « Toi aussi mon fils ! ».
La mort de César par Vincenzo Camuccini (1804-1805)
Jules César, dictateur à vie et rumeurs de royauté
Après sa conquête victorieuse de la Gaule, Jules César (portrait par Rubens ci-contre) est l’un des hommes forts de la République romaine. Peu sont aussi victorieux que lui sur le champ de bataille. Lorsqu’il est sommé par le Sénat en 50 av J.-C, à l’instigation de son rival politique Cnaeus Pompée, de rendre son pouvoir militaire, renonçant ainsi aux commandements de ses armées et de revenir à Rome, César décide plutôt de revenir avec elles en Italie en 49 av J.-C. C’est alors le début d’une guerre civile entre César et Pompée qui se termine en 48 par la victoire de César à la bataille de Pharsale en Grèce et la mort de Pompée en Égypte peu de temps après.
L’année suivante, il doit encore affronter les derniers opposants pompéiens répartis dans l’empire. Pour cela, il est fait dictateur par le Sénat, il obtient les pleins pouvoirs pour une durée de six mois, selon la règle romaine. Il combat alors les troupes pompéiennes dans le nord de l’Afrique, dans l’actuelle Tunisie, où il défait l’armée de Caton le Jeune à la bataille de Thapsus en 46 av J.-C. La même année, la dictature de César est étendue à dix ans par le Sénat pour lutter contre le fils de Pompée, Sextus, en Espagne. Finalement, en février 44 av J. C., il se proclame dictateur à vie, malgré la fin de la guerre civile et l’apaisement dans l’ensemble de l’empire, ce qui lui mit à dos une grande partie de la population aristocratique, les optimates, jaloux de tant de pouvoir.
À Rome, l’œuvre politique de César a eu de nombreux succès auprès de la population, faisant de lui, l’un des favoris du peuple. Il a par exemple logé des milliers de vétérans dans des cités des provinces romaines comme Lugdunum (Lyon) ou encore Narbonne, il a embelli Rome et favorisé l’approvisionnement en grain de la ville. Il a également cherché à se concilier les hautes classes, en diminuant les impôts sur la richesse. Malgré tout, les conflits continuent de croître. A cela, il faut ajouter les rumeurs affirmant que César cherche à être roi de Rome. Or, le dernier roi, Tarquin le Superbe, est mort en 509 av J.-C, renversé par une révolte populaire qui a instauré la République. La royauté est haïe à Rome. César, pourtant, affirme qu’il ne veut pas devenir roi. Il le dit ouvertement, notamment lors de la fête des Lupercales de février 44 av J.-C, lorsque son bras droit, Marc-Antoine, cherche à placer une couronne de laurier, symbole de royauté, sur sa tête. Il le repousse, affirmant que le seul roi légitime est le dieu Jupiter. Pour autant, la concentration des pouvoirs en sa personne, le port permanent d’une toge pourpre et d’une couronne de laurier ainsi que l’acquisition du titre de dictateur à vie, rend les rumeurs crédibles pour une partie des sénateurs qui organisent donc l’assassinat de l’homme fort de Rome.
L'organisation du complot
Selon les historiens et les auteurs latins comme Suétone et Dion Cassius, le complot contre César a regroupé jusqu’à une soixantaine de personnes, et une vingtaine de noms sont attestés. Parmi eux, on trouve Caius Cassius Longinus, celui qui fut à l’origine du complot, Decimus Junius Brutus Albinus, l’un des anciens camarades de César en Gaule, et Marcus Junius Brutus (buste ci-contre), couramment simplifié en Brutus, le fils de l’une des maîtresses de César, Servilia. Longinus et Brutus furent des opposants à César. Au moment de la guerre civile, ces derniers rejoignent Pompée mais la défaite de Pharsale les laisse à la merci de César, qui décide malgré tout de les gracier, et leur donne même des positions politiques comme celle de gouverneur de la province de Gaule Cisalpine pour Brutus. Malgré tout, l’aversion de Longinus contamine Brutus. En outre, ce dernier serait un descendant de celui qui aurait détrôné Tarquin, également nommé Brutus. Légitimé par la présence de Brutus, le complot prend forme.
Pour ce qui est de la date, les conspirateurs choisissent les ides de mars, une fête religieuse prenant place au milieu du mois de mars dans le calendrier romain. La date n’est pas anodine car peu de temps après, Jules César comptait partir pour aller conquérir les Parthes au Moyen-Orient, dans l’actuelle Syrie. Cependant, une légende disait que seul un roi pouvait vaincre les Parthes. En 53 av J.-C, Crassus avait déjà tenté de le faire et avait été tué après une terrible défaite à Carrhes. Pour Longinus et ses acolytes, César ne pouvait que devenir roi s’il voulait sortir victorieux de cette campagne.
Pour le lieu, ce serait au sein du théâtre de Pompée, le lieu de réunion du Sénat romain, à côté du forum. La curie, où siège habituellement le Sénat, avait été la victime d’un incendie quelques années plus tôt. Le fait que la séance soit prévu dans un lieu dédié à l’ancien ennemi de César a quelque chose d’ironique.
L'assassinat de Jules César
L’assassinat de César est organisé mais le 15 mars, plusieurs événements manquent de peu de faire échouer les conspirateurs. Quelques jours avant, lors d’une cérémonie sacrificielle permettant à un devin, un haruspice, de voir le destin de Rome, le devin Spurinna, avertit César de se méfier des ides de mars. Mais ce dernier n’a que faire de ces mauvais présages. Au matin du 15 mars, il est retenu par sa femme Calpurnia qui lui dit avoir fait un rêve où elle le tenait dans ses bras, recouvert de sang, dans le Sénat. César n’en prend pas note et reprend la route, accompagné du consul, et bras droit, Marc-Antoine, pour la curie. En chemin, il fait une nouvelle rencontre, celle de l’un de ses informateurs, Artémidore, qui lui remet une liste des conspirateurs. Cependant, pressé par la foule qui se rassemble autour de lui, César continue sa marche et ne lit jamais le document. Il aurait, enfin, vu une nouvelle fois le devin Spurinna et l’aurait taquiné en disant que les ides étaient là et que rien ne s’était passé. C’est alors que le devin lui aurait répondu que les ides n’étaient pas encore terminées.
L'assassinat de Jules César, par Karl Theodor von Piloty (1867)
Arrivés à l’entrée de la Curie, César entre dans le bâtiment comme à son habitude mais Marc-Antoine est retenu à l’extérieur par Caius Trebonius, un ancien césarien devenu conspirateur, afin de l’empêcher d’assister à l’événement. Plusieurs versions coexistent ici. L’une affirme que César se trouvait sur son trône, au milieu du Sénat, et l’autre dépeint la scène alors qu’il entrait dans la curie. Dans tous les cas, tout commence lorsque Tillius Cimber, l’un des conspirateurs, vient voir César pour lui demander de gracier son frère. Voyant le refus de César, Cimber lui attrape le bras. César se serait alors exclamé « C’est de la violence ! ». Refusant de lâcher, Cimber parvient à enlever la toge du bras de César. C’est le signal pour les autres conspirateurs qui sortent une dague, un poinçon, de leur toge. Le premier coup est donné par Publius Servilius Casca Longus, qui touche César à l’épaule. Ce dernier le repousse mais il ne peut esquiver celui du frère de Casca, également nommé Servilius Casca, qui l’atteint aux côtes. À partir de ce moment-là, les coups pleuvent sur le dictateur, pris de toute part. En tout, les auteurs antiques parlent de 23 coups de couteaux, mais, selon le médecin qui a pratiqué l’autopsie, seul celui donné par le frère Casca, aux côtes, était fatal. En outre, l’un des faits marquants, est que le dernier coup fut porté par Brutus lui-même. D’abord hésitant à tuer celui qui lui avait pardonné et donné tant, et qui le considérait comme son fils, Brutus assène, finalement, à César le dernier coup de poignard, au pied de la statue de Pompée. Le mourant, selon la version donnée par Shakespeare, aurait dit « Toi aussi, Brutus », marquant l’étonnement de César de voir Brutus dans la foule des assassins. Pour le Romain Suétone, et de l’avis des historiens, César aurait plutôt dit « Toi aussi, mon fils ! » (Tu quoque, mi fili !, dont la version en grec, parfois plébiscitée, donnerait καὶ σὺ τέκνον / kaì sù téknon ). Voyant sa fin proche, le dictateur parvient, en dernier geste, à recouvrir son visage d’un pan de sa toge, selon les rites romains. Le conquérant des Gaules était mort et avec lui, espéraient les conspirateurs, la fin de son projet monarchique. Brutus, à ce moment, aurait prononcé une phrase aujourd’hui célèbre, sic semper tyrannis, « mort aux tyrans ».
Mort de César, représentée par le peintre Jean-Léon Gérome vers 1859
Une conspiration sans lendemain
À peine le meurtre de César terminé que la foule présente dans le Sénat évacue les lieux, pensant être elle aussi en danger. Ce n’est que le soir que le corps est finalement enlevé du sol par trois esclaves.
Le 20 mars, le corps du défunt est montré à la foule lors des funérailles. Marc-Antoine soulève à ce moment la tunique de César, déchiquetée par les 23 coups de poignards des conspirateurs. Les funérailles ne furent en rien paisibles. Depuis déjà plusieurs jours, les maisons des conspirateurs sont prises d’assaut par la population qui aimait César, poussant les assassins à fuir Rome. Elle l’aimait à telle point qu’elle tenta de faire un bûcher gigantesque pour brûler le corps de César, selon les rites romains, conformes à la grandeur de l’homme.
Peu de temps après, Marc-Antoine décide de gracier les conspirateurs qui obtiennent des postes comme ceux de gouverneurs de la Gaule Cisalpine pour Décimus Brutus ou encore la Syrie pour Longinus. Mais alors que Marc-Antoine est devenu le nouvel homme d’importance de Rome, il découvre que dans le testament de Jules César, l’héritier désigné n’est pas lui mais le jeune Octavien, le neveu du conquérant des Gaules qu’il a adopté quelques jours avant sa mort. Octavien prend une voix plus belliciste que celle empruntée par Marc-Antoine. En 43 av J.-C., il devient consul et déclare les conspirateurs, ennemi de la Patrie, et les condamne à mort. La chasse aux assassins a lieu dans tout l’empire et se termine par la bataille de Philippe en 42 av J.C. où sont vaincus Cassius Longinus et Brutus, qui se suicident. Suétone fait remarquer qu’aucun des conspirateurs ne revit la terre de Rome après les ides de mars. Certains sont morts lors d’affrontements lointains comme Décimus Brutus dans les Alpes, tué par une tribut locale, ou dans des naufrages, etc. Selon l’auteur, après sa défaite à Philippe, Brutus se serait percé le corps avec le même poignard qu’il utilisa pour tuer César.
Une fois les assassins de son père adoptif tués, Octave a les mains libres pour prendre part à la bataille politique qui l’oppose à Marc-Antoine pour le pouvoir à Rome. Finalement, un conflit opposant le fils héritier au second de César se transforme en une guerre civile qui voit le premier victorieux en 31 av J.C à la bataille d’Actium. Octavien, qui prend en 27 av J.-C le nom d’Auguste, prend alors les pleins pouvoirs et instaure l’Empire romain qui va durer près de 500 ans en Occident. Pour honorer la mémoire de son père, Auguste le divinise, faisant de lui un demi-dieu (divus en latin), et organise un culte à sa personne. Ainsi, César est devenu un martyr et sa mort, plus qu’un acte pour faire survivre la République comme l’avaient voulu les conspirateurs, a, au contraire, précipité sa fin et le début du pouvoir d’un seul homme.
Publié par Adrien RASATA, le 15 mars 2025
Sources
Articles internet :
• Dumas, Y. (2018, 8 novembre). Assassinat de Jules César : 10 choses à savoir sur les ides de mars - Anciennes Civilisations. Anciennes Civilisations. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025, à l’adresse https://anciennescivilisations.com/histoire-rome/julius-caesar-assassinat-ides-de-mars
• Etcheto, H. (2024, 9 juillet). La mort de César, un meutre fondateur. National Geographic. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025à l’adresse https://www.nationalgeographic.fr/histoire/culture-generale-antiquite-romaine-la-mort-de-cesar-un-meurtre-fondateur
• Gauthey, K. (2021, 15 mars). Les « ides » de Mars, ou la mort de Jules César. Le Petit Journal. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025 à l’adresse https://lepetitjournal.com/rome/les-ides-de-mars-ou-la-mort-de-jules-cesar-276050
• Manière, F. (2022). 15 mars 44 av. J.-C. - Jules César assassiné par Brutus, son fils - Herodote.net. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025, à l’adresse https://www.herodote.net/15_mars_44_av_J_C-evenement--440315.php
• Martin, P.P (1986) « L’assassinat de Jules César », L’Histoire, 93, Lhistoire.fr [en ligne] Consulté le 15 mars 2025 à l’adresse https://www.lhistoire.fr/lassassinat-de-jules-c%C3%A9sar
• Rédaction HPT. (2023). Ides de Mars, l’assassinat de César (15 mars -44). [en ligne] Consulté le 15 mars 2025, à l’adresse https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/2417-jules-cesar-et-les-ides-de-mars-15-mars-44.html
• Remond, A. (2024, 30 décembre). Pourquoi Jules César a-t-il été assassiné ? Revue Histoire. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025, à l’adresse https://revue-histoire.fr/histoire-ancienne/pourquoi-jules-cesar-a-t-il-ete-assassine/
• Rome Pratique. (2025, 16 janvier). Le 15 mars, Rome fête les Ides et la mort de Jules César. ROME Pratique. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025, à l’adresse https://www.romepratique.com/15-mars-assistez-a-lassassinat-de-jules-cesar/
• Wasson, D. L. (2015, mai 15). L'Assassinat de Jules César [The Assassination of Julius Caesar]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-803/lassassinat-de-jules-cesar/
Article Wikipédia :
• Contributeurs aux projets Wikimedia. (2025, 28 février). Assassinat de Jules César. [en ligne] Consulté le 15 mars 2025, à l’adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Assassinat_de_Jules_César
Vidéos YouTube :
• Assassination of Julius Caesar : Why and How DOCUMENTARY, par la chaîne Kings and Generals, mise en ligne le 31 août 2021 [en ligne] [visionnée le 15/03/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/ZVc2aJwWwbo
• La fin brutale de Jules César : de la Guerre Civile à son assassinat, par la chaîne La Folle Histoire, mise en ligne le 14 mars 2023 [en ligne] [visionnée le 15/03/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/RW3wVqvlJTw
• The Ides of March : The Assassination of Julius Caesar, par la chaîne World History Encyclopedia, mise en ligne le 13 mars 2021 [en ligne] [visionnée le 15/03/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/qIe1OzqfXLY
• What Are the Ides of March? par la chaîne Inside Edition, mise en ligne le 13 mars 2021 [en ligne] [visionnée le 15/03 2025] Disponible sur : https://youtu.be/oh0n3ezgBIg
Crédits images :
1) La mort de césar par Vincenzo Camuccini. 1804-1805. Galleria Nazionale d’Arte Modnera e Contemporánea. Licence Wikimedia Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vincenzo_Camuccini_-_La_morte_di_Cesare.jpg
2) Portrait de Jules César par le peintre Pierre Paul Rubens, vers 1620. Disponible sur : https://ca.pinterest.com/pin/492510909242775062/
3) Portrait d'homme, dit « Brutus ». Marbre, œuvre romaine, 30-15 av. J.-C. Provenance : Tibre, Rome. Palazzo Massimo alle Terme. Licence Wikimédia Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Portrait_Brutus_Massimo.jpg
4) Karl Theodor von Piloty - L'assassinat de Jules César – 1867. Disponible sur : https://express.adobe.com/page/l6Q9y/
5) Mort de César, représentée par le peintre Jean-Léon Gérome vers 1859. Disponible sur : https://express.adobe.com/page/l6Q9y/
6) La mort de César par Joseph-Désiré Court, 1827. Disponible sur : https://auctionaugur.blogspot.com/2017/11/wannenes-29-november-2017-part-2-joseph.html
A voir
Films et séries :
- Jules César (2002), téléfilm de Uli Edel. Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=uyVx7fhvTxI
- Rome (2005), série de John Milius, William J. MacDonald et Bruno Heller. Extrait : https://www.youtube.com/watch?v=8bcamTjFRUU
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