1773 - La Boston Tea Party

Ce qui devait n’être qu’une réunion entre militant pour la reconnaissance des libertés coloniales américaines s’est pourtant transformée en acte hostile ouvertement dirigé contre le gouvernement britannique. Dans la nuit du 16 décembre 1773, les Bostoniens ont assisté à la destruction d’une importante cargaison de thé destinée à être vendue aux colons par la Compagnie des Indes orientales, sur ordre de Londres. Bravant l’autorité, une centaine d’hommes ont décidé de faire valoir leur avis et celui-ci, connu comme la Boston Tea Party a enflammé les cœurs et menés, lentement mais sûrement vers la révolution américaine et l’indépendance des 13 colonies.

 

Illustration boston tea party

Destruction du thé dans le port de Boston, 16 décembre 1773, de Ballous Pictorial Drawing-Room Companion, pub. 1865 par John Andrew

 

Les tensions fiscales des années 1770

Durant la guerre de Sept Ans (1756 – 1763), les colonies britanniques en Amérique sont le théâtre d’affrontements entre les colons anglais et français. La victoire des premiers marque la disparition des seconds et de la Nouvelle-France. Elle fait aussi débuter une décennie de réformes économiques visant à renflouer les caisses de l’État. Cette guerre fut particulièrement coûteuse, en particulier en argent. Acheminer des hommes et des vivres du Royaume-Uni jusqu’aux colonies a représenté un coût pharamineux, estimé à plusieurs millions de livres sterling.

La Couronne s’est endettée et peine à rembourser les intérêts. Pour cela, elle met en place une série de réformes fiscales en taxant plusieurs produits. En 1764, le Sugar Act (taxe sur le sucre) est voté. Étant une denrée très consommée, les conséquences économiques sont rapides et créent un certain remous dans les colonies. En 1765, le Quartering Act (loi de cantonnement) oblige les colons à loger une partie des troupes britanniques chez eux. Les casernes faisant alors défaut, les soldats avaient l’habitude de loger dans des bâtiments abandonnés ou chez l’habitant. La même année, le Stamp Act (taxe sur le timbre) crée un impôt sur tous les documents officiels ainsi que les journaux ou les cartes à jouer. De cette façon, le Royaume-Uni restaure une partie de son trésor mais contrôle aussi la vie civile de ses sujets. Les contrevenants se voyaient soumis à un tribunal exceptionnel dirigé par la Couronne. Pour renforcer le système fiscal, le Royaume-Uni publie, à partir de 1765, les Townshend Acts, une série de réformes visant à renforcer le contrôle fiscal et juridique. Pour accroître le poids de Londres, les administrateurs sont payés avec les recettes des taxes qu’ils font appliquer.

 

Illustration stamp act

Procession à New York en opposition à la loi sur le timbre. Illustration de Columbus et Columbia (Manufacturers' Book Co, c 1893). 

 

Les tensions augmentent entre les colons et le pouvoir britannique. En effet, selon le droit anglais, les décisions, notamment en lien avec l’impôt, doivent être discutées par les parlementaires, en particulier ceux issus du territoire en question. Or, il n’y a pas de parlement dans les colonies. Les taxes sont donc des décisions unilatérales. Elles affirment la primauté de Westminster et la soumission des Américains. En 1770, un vent nouveau se fait jour avec un slogan, « No taxation without representation » (« pas de taxe sans représentation [au Parlement] »). Le nom de son créateur a été perdu dans les hasards de l’histoire mais il fut longtemps utilisé par les Irlandais pour leur résistance aux Anglais et fut popularisé par l’homme politique américain James Otis. Les tensions en viennent, d’ailleurs, à verser le sang en 1770. Le 5 mars, lors d’une altercation entre des manifestants et l’armée, des coups de feu sont tirés et font 5 morts parmi la foule. Ce que l’histoire a nommé le massacre de Boston, a mis le feu aux poudres dans les cœurs des futurs révolutionnaires. Dès lors, la société se divise entre les partisans du pouvoir royal, les loyalistes, et ceux qui s’opposent au pouvoir, les patriotes.

 

Illustration boston massacre

Illustration anonyme du massacre de Boston

 

Le Tea Act de 1773

À la suite des événements de 1770, la vie à Boston est particulièrement tendue. L’escalade des tensions continue en 1773 lorsque Londres promulgue le Tea Act ou la taxe sur le thé. Ce dernier est un élément incontournable de la culture britannique et les colons ont amené cette habitude outre-Atlantique. Sur place, le thé est vendu à la fois par des revendeurs officiels de l’État britannique mais aussi par des revendeurs en contact avec des contrebandiers. En effet, le thé britannique, venu d’Inde, était alors particulièrement coûteux.

Pour y remédier, les vendeurs utilisent du thé venu de la contrebande hollandaise arrivé tout droit d’Indonésie. Moins cher, il permettait aussi aux colons de payer moins cher les taxes sur ce produit. Mais le Tea Act de 1773 vient créer un monopole du thé pour la Compagnie des Indes orientales britanniques. Cette dernière était en perte de vitesse et manquait de faire faillite. Pour la sauver, le gouvernement britannique d’utiliser les colonies américaines pour écouler les stocks. Il l’autorise à vendre à un prix réduit, bien que la taxe soit maintenue. Ce faisant, ce nouveau thé est encore moins cher que son concurrent hollandais et désavantage les revendeurs américains. De plus, les revenus des taxes devaient aider à financer les salaires des nouveaux administrateurs censés faire appliquer la nouvelle loi. Une situation condamnée par les colons et leurs représentants envoyés à Londres. Parmi eux, se trouve un certain Benjamin Franklin.

 

John lamb lisant le tea act a new york

John Lamb, l'un des chefs des Fils de la Liberté de New York lit le Tea Act à une foule

 

La Boston Tea Party

Dans les colonies, les réactions au Tea Act sont rapides. Des représentants de toutes les colonies se retrouvent le 16 octobre 1773 pour décider de la marche à suivre. Parmi les participants, on trouve les Fils de la Liberté (Sons of Liberty), une organisation militante secrète adepte des coups de force. Ses membres se sont rendus célèbres en s’attaquant aux symboles du pouvoir britannique, notamment en goudronnant ses agents, ou les plus fervents loyalistes. Les Fils de la Liberté mettent en avant que les colons doivent fermement montrer leur désapprobation du Tea Act et doivent agir refusant que le thé anglais n’arrive dans les ports américains. Ils dirigent notamment l’opinion public contre les revendeurs qui avaient passé des accords avec la Compagnie des Indes orientales pour revendre leur thé. Ce faisant, ils pouvaient obtenir une commission sur les ventes, ce qui outragea les Fils de la Liberté.

En septembre 1773, l’assemblée fut informée que des navires de la Compagnie des Indes orientales étaient en direction des colonies, avec, à leurs bords une grande quantité de thé. Trois de ces bâtiments devaient décharger à Boston. Dans la ville, l’assemblée du Massachussetts est marquée par la présence de Samuel Adams, un politicien éloquent et fervent patriote. Avec l’appui des Fils de la Liberté, il convainc les autres débuter de faire voter l’interdiction aux navires l’amarrage à Boston. Malgré l’élan populaire, le gouverneur du Massachussetts, Thomas Hutchinson, refuse et ordonne aux propriétaires des navires de décharger leur navire quoiqu’il arrive.

 

Portrait de samuel adams

Portrait de Samuel Adams par John Singleton Copley, vers 1772 (tableau tronqué)

 

Lors que le premier navire, le Darthmouth, arrive à Boston le 29 novembre, la situation devient rapidement une impasse. Le propriétaire du navire, Francis Rotch, est sommé par le gouverneur Hutchinson de décharger au plus vite mais il se range plutôt du côté de la population et fait traîner le déchargement. À cette époque, chaque navire avait 20 jours pour décharger leur cargaison sous peine, une fois le délai dépassé, de repartir bredouille d’où il venait. Les Fils de la Liberté espéraient que ce serait le cas ici. Cet attentisme fut, à ce titre, convenu lors d’une réunion extraordinaire au Fanueil Hall et organisée par Samuel Adams en personne. Il voulait que la population participe pleinement à cet acte de résistance pacifique pour faire valoir leurs droits. En tout, 5 000 Bostoniens se rassemblèrent dans le pub, obligeant Adams à changer d’endroit pour faire entrer tout ce monde et il partit pour le Old South Meeting House.

Le 16 décembre, la veille du dernier jour avait la fin du délai, une nouvelle réunion se tint au Old South Meeting House. Malgré la bonne volonté de Francis Rotch à accepter les revendications des Bostoniens, il ne pouvait pas quitter le port, d’autant plus que le gouverneur Hutchinson ne voulait rien entendre. Il continuait d’ordonner le paiement des frais d’amarrage et le déchargement du thé. Face à cette impasse, Samuel Adams aurait dit que les membres de l’assemblée avaient « fait tout ce qu'ils avaient pu pour le salut de leur pays » [voir source].

Cette décision fataliste n’est pas au goût d’une partie de la foule. De nombreux participants décident alors de se diriger vers les quais. Leur objectif n’est plus d’empêcher le déchargement mais de détruire la cargaison de thé. De cette façon, la Couronne anglaise y perdait doublement, à la fois en termes de marchandises mais aussi de crédibilité. Lorsqu’ils arrivent au niveau du quai de Griffin's Wharf, ils voient que le Darthmouth avait été rejoint par le Beaver et l’Eleanor. Ensemble, ils avaient près de 92 000 livres de thé, soit environ 41 tonnes. Parmi la foule rassemblée, une centaine d’hommes, dont certains habillés avec des habits amérindiens, montèrent à bords des navires. Ils prirent les caisses de thé et le jetèrent par-dessus bord. En tout, ce sont 342 caisses qui finissent dans la baie de Boston. Pour montrer à la population que le thé était l’objet de leur destruction, le reste des marchandises ne fut pas touché et les marins épargnés de tout violence. Les rapports britanniques font état d’une perte de plus de 10 000 livres sterling, une véritable fortune. Ce qui avait commencé comme une simple protestation avait muté en un acte de vandalisme et de destruction organisé. Les destructeurs parvinrent, d’ailleurs, à échapper aux gardes en se frayant un chemin dans la foule qui les protégea.

 

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Gravure sur bois représentant la destruction d'une cargaison de thé. ©North Wind Picture Archives

 

Les réactions anglaises et américaines

Les retombés de la Boston Tea Party se firent vite connaître. À Londres, c’est l’indignation. Le Premier ministre, Lord North, est scandalisé. En 1774, il fait voter une série de lois punitives, les Coercitive Acts ou Lois intolérables, visant à restreindre encore plus les libertés américaines, en particulier à Boston qui fut la cible prioritaire. Son port fut fermé, ses élus remplacés par des partisans de la Couronne et sa population vit arriver de nouveaux soldats devant loger chez elle.

Dans les colonies, la réaction renforça la division entre les patriotes et les loyalistes. Samuel Adams participa à diffuser la nouvelle de l’événement au reste des colonies. Ce faisant, il inscrivit la Boston Tea Party comme l’une des dates fondatrices de la résistance des colons américains. Plusieurs autres Tea Party eurent lieu par la suite, montrant ainsi que la résistance était de plus en plus forte et répandue dans les colonies. Finalement, décision est prise de réunir, à nouveau, les représentants des colons à Philadelphie le 5 septembre 1774. Ceci eu pour résultat de créer le premier Congrès continental, afin de donner une réponse commune au gouvernement de Londres. Le Congrès finit par prendre les armes avec les batailles de Lexington et de Concord en 1775 qui se terminèrent par de précieuses victoires. Finalement, le 4 juillet 1776, le Congrès déclare son indépendance, toujours à Philadelphie, et mène une guerre qui s’achève en 1781. La Boston Tea Party est ainsi l’un des éléments déclencheurs de l’indépendance américaine. Sans en être la cause principale, cet événement montre que l’indépendance est un processus progressif qui s’est fait à la suite de nombreuses décisions et hasards de l’histoire.

 

Declaration d independance des etats unis par john trumbull

Déclaration d'Indépendance par John Trumbull (1819)

 

La mémoire de l’événement

À l’initiative de Samuel Adams, ce qui aurait pu finir comme un fait divers rapidement oublié, devint un événement fondateur de l’identité américaine. Encore aujourd’hui, la Boston Tea Party est fréquemment mise en avant dans la culture, notamment grand public avec, par exemple, une mission dans le jeu Assassin’s Creed III (2012) où le héros participe directement aux faits, du côté des patriotes.

L’événement apparaît aussi dans des œuvres du cinéma comme dans les films éponymes de 1908, 1915 et 1934, ainsi que dans des séries comme Sons of Liberty.

À cela viennent s’ajouter toutes les célébrations annuelles où des reconstitutions ont lieu. Elles montrent la durabilité du lien entre les Bostoniens et cette nuit du 16 décembre 1773. Ceci sans parler de la culture patriotique des Etats-Unis qui associent son histoire à sa guerre d’indépendance où ses bases furent posées. De même, en dehors de ces temps festifs, les touristes et les curieux peuvent en apprendre plus dans le musée dédié au sein de la ville.

 

Reconstitution de la boston tea party en 2023

Reconstitution de la Boston Tea Party par des acteurs à Boston pour les 250 ans de l'événement ©Boston Tea Party Ships & Museum

 

Publié par Adrien RASATA, le 17/12/2025

Sources

Articles internet :

Articles de presse :

Articles Wikipédia :

Vidéos YouTube :

  • La révolution américaine : la liberté au prix du sang, par la chaîne Nota Bene, mise en ligne le 30 juin 2022 [en ligne] [visionnée le 17/12/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/Dy2Ij_2XYGk
  • The Boston Tea Party, par la chaîne NBC News Learn, mise en ligne le 1er mai 2020 [en ligne] [visionné le 17/12/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/Tl9unTDt92I
  • The Boston Tea Party | Road to the Revolution, par la chaîne Puirsuit of History, mise en ligne le 6 février 2021 [en ligne] [visionnée le 17/12/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/UVufq8celE8
  • The story behind the Boston Tea Party – Ben Labaree, par la chaîne TED-Ed, mise en ligne le 18 mars 2013 [en ligne] [visionnée le 17/12/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/1cT_Z0KGhP8
  • What Really Happened at the Boston Tea Party, par la chaîne Smithsonian Magazine, mise en ligne le 15 septembre 2025 [en ligne] [visionnée le 17/12/2025]. Disponible sur : https://youtu.be/sLg_ANmqE-0

Crédits image :

  1. Destruction du thé dans le port de Boston, 16 décembre 1773, de Ballous Pictorial Drawing-Room Companion, pub. 1865 par John Andrew. Disponible sur : https://www.meisterdrucke.fr/fine-art-prints/John-Andrew/383428/La-Boston-Tea-Party-?-Destruction-du-th%C3%A9-dans-le-port-de-Boston,-16-d%C3%A9cembre-1773,-de-Ballous-Pictorial-Drawing-Room-Companion,-pub.-1865.html
  2. Procession à New York en opposition à la loi sur le timbre. Illustration de Columbus et Columbia (Manufacturers' Book Co, c 1893). Disponible sur : https://www.britannica.com/topic/Stamp-Act-Congress
  3. Illustration anonyme du massacre de Boston. Disponible sur : https://wayground.com/admin/quiz/5b69e85ea64933001a768054/chapter-5-toward-independence
  4. John Lamb, l'un des chefs des Fils de la Liberté de New York lit le Tea Act à une foule par John Karst, XIXe siècle. Disponible sur : https://www.americanhistorycentral.com/entries/boston-tea-party/
  5. Portrait de Samuel Adams par John Singleton Copley, vers 1772. Licence Wikimedia Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Samuel_Adams_by_John_Singleton_Copley.jpg
  6. Gravure sur bois représentant la destruction d'une cargaison de thé. ©North Wind Picture Archives. Disponible sur : https://www.britannica.com/event/Tea-Act
  7. Déclaration d'Indépendance par John Trumbull (1819). Licence Wikimedia Commons. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Declaration_of_Independence_(1819),_by_John_Trumbull.jpg
  8. Reconstitution de la Boston Tea Party par des acteurs à Boston pour les 250 ans de l'événement ©Boston Tea Party Ships & Museum. Disponible sur : https://bostonuncovered.com/boston-tea-party-anniversary/
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