Le Rova d'Antananarivo

Fiché en haut de la plus haute colline d’Antananarivo, l’ensemble palatial, ou rova, de la capitale malgache domine le paysage environnant. Cette forteresse également lieu de vie et de pouvoir des rois et reines de Madagascar jusqu’à la colonisation française au XIXe siècle a vu passer des souverains par dizaines, aussi bien du royaume local d'Imerina que du royaume, plus vaste,de Madagascar, et son architecture témoigne de cet héritage historique. Voici l’histoire du rova d’Antananarivo. 

 

Rova d antananarivo

Photographie de ©Pierre Koval montrant le palais de la reine au sein du rova

 

Un palais pour les rois d’Imerina

À l’image de leurs homologues du Moyen Âge européen, les Malgaches, notamment les merinas, une ethnie située dans les plateaux centraux de l’île, ont construit des forteresses en haut de collines, servant à la fois de place forte militaire, tout comme les mottes castrales en France aux alentours des IXe et XIIe siècles, de lieux de pouvoir et de lieux religieux. 


Ces collines forteresses s’appelaient des rova (prononcé rouv en français). Elles accueillaient les rois d’Imerina, la terre des merinas. Ils existent plusieurs exemplaires comme celui d’Ambohimanga, plus anciens que celui d’Antananarivo. Ce dernier apparaît, selon les récits, autour de 1610, sur ordre du roi Andrianjaka (1610 – 1630). Il fait suite à la conquête de la région par le roi sur les populations Vazimba, dont beaucoup sont chassées. Pour accueillir le futur palais, il choisit la colline Anamalanga, la plus haute des douze collines sacrées d’Antananarivo. Il fait construire un ensemble de maisons dont l’une est destinée à devenir la demeure royale, la mahitsy, selon le style des demeures princières, les besakanas. Pour sa protection, il fait rassembler une garnison de 1 000 soldats et c’est en souvenir de cette conquête que la ville est renommée Antananarivo, la « ville des mille », sous le règne du roi Andriamasinavalona, à la fin du XVIIe siècle. 


Chaque roi a ensuite amélioré le complexe royal suivant ses envies et selon les rites religieux locaux. On observe, malgré tout, les mêmes tendances, à savoir la construction de palais secondaires pour les femmes des souverains, adeptes de la polygamie, ainsi que des tombes royales où peuvent reposer les détenteurs de la couronne ainsi que leurs femmes. Ces tombes sont en général situées dans la partie nord-est du complexe, en lien avec la religion malgache. C’était alors la place des rois et des défunts, selon la cosmogonie traditionnelle. 


Au cours du XVIIIe siècle, le royaume imerina est morcelé entre différents sous-royaumes, légués aux différents fils-héritiers. Plusieurs rois occupent différentes forteresses, parfois distantes de seulement quelques dizaines de kilomètres. Finalement, en 1792, le roi Andrianampoinimerina (1787 – 1810) parvient à réunifier le royaume et fait d’Antananarivo sa capitale politique. Ce statut ne lui sera plus contesté jusqu’à la fin du royaume de Madagascar, cent ans plus tard. 

 

Besakana du rova

Maison type besakana ou mahitsy. On voit à côté une représentation d'un des mille soldats du roi ©Adrien RASATA

Le palais des rois et reines de Madagascar

Portrait radama ierAu début du XIXe siècle, l’île de Madagascar est secouée par les revendications impérialistes du roi merina Radama Ier (1810 – 1828, portrait ci-contre). Ce dernier unifie alors une bonne partie du nord et du centre de l’île, faisant ainsi d’Antananarivo la capitale d’un vaste empire, le royaume de Madagascar. Tout comme les anciens propriétaires du rova, Radama agrandit et modernise la forteresse. C’est sous son règne que le style architectural malgache traditionnel rencontre des styles étrangers. C’est en effet lors d’un voyage à Tamatave (aussi appelée Toamasina), sur la côte est, qu’il découvre le style créole, alors en vogue à La Réunion et sur l’île Maurice. Il engage l’architecture Louis Gros qui construit le Bevato, aujourd’hui disparu, ou incorporé, dans le Tranovola, qui incorpore les grandes ouvertes et les balcons de style européen aux maisons malgaches, bien moins éclairées, qui sert ensuite de logement pour sa femme Rasalimo. 


Les souverains successifs amènent, chacun à leur tour, de nouveaux bâtiments, tant et si bien que la version que les Français découvrent en 1897, au moment de la conquête de la capitale, n’a rien à voir avec ce que Radama Ier possédait au moment de son accession au pouvoir. 


Entre 1839 et 1840, la reine Ranavalona Ire ordonne l’édification d’un immense palais en bois, le Manjakamiadana, sous la direction de l’architecte français Jean Laborde, plus tard appelé, en français, le « palais de la reine », tout simplement. Ce bâtiment marque son temps car il impose par sa taille, 37 mètres de haut pour 30 mètres de long et 20 mètres de large. Il se construit autour de trois niveaux avec deux étages cerclés de balcons, donnant ainsi une vue panoramique sur la ville en contre-bas. Le bois a été choisi car il répond à un besoin culturel. Ce matériau est le plus noble pour les Malgaches car il est issu d’une essence vivante. À l’inverse, la pierre est réservée, au mieux pour les fondations, mais le plus souvent pour les tombes. Malgré ce tabou autour de la pierre, la reine Rasoherina décide en 1867, de revêtir le palais d’un manteau de pierre, le tout, sous la direction de l’architecte écossais James Cameron. Ce changement serait à mettre en lien avec la conversion au christianisme de la reine qui met ainsi un terme à la culture religieuse traditionnelle. Cette tendance est poursuivie par la nouvelle reine, Ranavalona II (1868 – 1883), qui fait construire une église protestante dans l’enceinte du rova, la Fiangonana. Le même James Cameron avait fait construire, en 1845, une immense porte d’entrée, sous la forme d’un arc de triomphe, au nord du complexe, qui permettait de sanctuariser le site. Elle est ensuite surmontée d’un aigle en bronze, don de la France en 1840. Cet aigle, ou épervier (voromahery en malgache), est l’un des symboles des rois malgaches. À ces cadeaux venus d’ailleurs, viennent s’ajouter des canons, offerts notamment par la reine d’Angleterre Victoria. 


C’est, enfin, sous les règnes des rois et reines de Madagascar que le rova voit une partie de son mobilier funéraire être réparti sur d’autres collines sacrées de la capitale, afin de ne laisser que les sépultures de la dynastie régnante. Le nombre de bâtiments est ainsi fortement diminué. 

 

Pote nord et palais de la reine

Vue depuis la porte nord avec le palais de la reine qui se dessine derrière. ©Adrien RASATA

 

Conquête du pays par la France et transformation du monument

Fiangonana

Fiangonana, église construite par Ranavalona II vers 1845

Le rova est donc un site en perpétuelle mutation. Des travaux de modernisation sont pratiqués par tous les souverains, qui s’inspirent de ce qu’il se fait de mieux dans les cours royales européennes. Mais l’invasion française de 1895 marque un arrêt dans ces transformations. La reine Ranavalona III avait, par exemple, débuté le projet d’électrifier le palais de la reine. 


En 1897, la reine Ranavalona III est déposée par le commandant de la force expéditionnaire française, Joseph Galliéni. Le palais perd alors sa fonction politique. Galliéni le transforme en musée de la culture malgache, ce qu’il reste pendant toute la période coloniale et même après. Au sein du palais de la reine, des milliers d’objets historiques viennent rendre compte de la culture merina comme des objets religieux, des œuvres d’art, des armes, des bijoux, des vêtements, etc. Peu de temps après la conquête, le palais accueille une école de fonctionnaires pour former les Malgaches, l’école Le Myre de Vilers. 


Enfin, Galliéni participe à une transformation radicale du site en transférant les dépouilles de certains rois et reines du site traditionnel d’Ambohimanga au rova d’Antananarivo. Ces dépouilles sont rassemblées dans neuf tombes, bien sûr situées dans la partie nord-est du complexe, et forment le Fitomiandialana, un espace à la fois sacré et mémoriel. Mais en faisant ceci, Galliéni supprime l’aspect religieux de la colline d’Ambohimanga, qui était un lieu de sépulture et recueillement pluricentenaire. Leur présence à Antananarivo n’a pas créé le même engouement. 

 

Un complexe royal vaste et aux multiples fonctions

Le site du rova est ainsi un lieu où se lit l’histoire et la culture des souverains malgaches. On y trouve des lieux de pouvoir comme le palais de la reine mais aussi le Tranovola ou « maison d’argent », en rapport avec les milliers d’accroches, de clous et de décorations en argent, qui fut à la fois le lieu de réception des rois et reines mais aussi des ministres pour les hôtes de marque. À leurs côtés, se trouvent des lieux de résidences comme la mahitsy qui reprend un style traditionnel : une maison très haute, 18 mètres de haut, sans étage. L’habitacle se constitut d’une seule pièce avec un four ou un espace pour le feu et, en hauteur, les lits du roi et de ses reines. Il s’agit, encore une fois d’un espace sacré, où les invités y viennent déchaussés, on entre la tête la première et le pied droit avancé, et on en sort à reculons, le pied gauche en avant. À cette demeure du roi s’ajoute celle des reines régnantes comme Ranavalona II et Ranavalona III, le Manampisoa (« surcroît de beauté »), d’un style mêlant des influences malgaches et européennes, construit par William Pool. 


Enfin, les tombes des membres de la royauté, notamment celles de Radama Ier et de Rasoherina, bien mises en valeurs sur des promontoires, permettent de faire le lien constant entre les mondes des vivants et des morts et témoignent du lien étroit qu’entretiennent les Malgaches avec leurs ancêtres et leurs traditions, en particulier religieuses. 

 

Tombes radama et rasoherina

Tombes royales de Rasoherina (devant) et Radama Ier (derrière). En arrière-plan, le Tranovola rénové ©Adrien RASATA

L’incendie de 1995 et la rénovation

Une fois l’indépendance acquise en 1960, le complexe du rova ne devient pas le lieu du pouvoir présidentiel mais plutôt un symbole de l’histoire malgache. Il est cependant rarement ouvert au public. Pour autant, le 6 novembre 1995, le rova est victime d’un incendie qui détruit ou endommage la quasi-totalité du site, plongeant dans la stupeur et le désespoir l’ensemble de la population malgache. Les bâtiments en bois disparaissent dans les flammes, notamment la mahitsy et la Tranovola. Sur les plus de 6 000 trésors que contenaient le palais de la reine, un peu plus de 1 600 sont sauvés du feu mais cela reste, malgré tout, une immense perte pour le pays, dotant plus que le rova était en discussion pour intégrer le patrimoine mondial de l’UNESCO. 


S’enclenche alors un immense plan de restauration du site qui s’est terminé en 2023, la crise du COVID ayant ralenti les derniers travaux. Des millions d’euros ont été dépensés, notamment donnés par un plan d’action de l’UNESCO. 


Le rova est aujourd’hui un musée ouvert où les visiteurs peuvent retrouver le récit de l’histoire de l’île ainsi que des objets d’art locaux. Cependant, le site n’est à 100 % identique à la version antérieure de l’incendie. En effet, en 2020, lors d’une cérémonie inaugurant la fin des travaux de la mahitsy, de la Manampisoa et du Tranovola, le président Andry Rajoelina réalise aussi celle du colisée d’Antananarivo, le Kianja Masoandro, un petit frère du Colisée de Rome, bâti sur les hauteurs de la capitale pour accueillir des cérémonies. 

 

Rova d antananarivo perso

Vue depuis l'esplanade centrale du palais de la reine (à droite) et du Tranovola (à gauche) après leur rénovation (2024) ©Adrien RASATA

 

Publié par Adrien RASATA, le 14/04/2025

Articles internet : 
•    Présentation du Rova - Madagascar Island. (s. d.).[en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://www.madagascar-island.com/le-rova-a-antananarivo/presentation-rova-antananarivo/ 
•    Rova : Queen’s Palace and Ancient Landmark of Madagascar. (s. d.). [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://www.agatetravel.com/madagascar/antananarivo/rova-queens-palace.html 
•    AIMF (association internationale des maires francophones). (2023, 21 juin). Antananarivo : le Palais de la Reine renaît de ses cendres — AIMF. AIMF. [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://www.aimf.asso.fr/actualite/antananarivo-le-palais-de-la-reine-renait-de-ses-cendres/ 
•    Claude. (2020, 15 juin). The palaces of Rova Manjakamiadana in Antananarivo. urlaub-auf-madagaskar.com. [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://www.urlaub-auf-madagaskar.com/en/the-palaeste-des-rova-manjakamiadana-in-antananarivo/ 
•    Sipa, M. (2024, 1 novembre). The Rova of Antananarivo. MADAMAGAZINE. [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://www.madamagazine.com/en/der-rova-von-antananarivo/ 

Articles Wikipédia : 
•    Contributeurs aux projets Wikimedia. (2024, 16 novembre). Rova (Madagascar). [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rova_(Madagascar) 
•    Wikipedia contributors. (2025, 8 avril). Rova of Antananarivo. Wikipedia. [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://en.wikipedia.org/wiki/Rova_of_Antananarivo 
•    Contributeurs aux projets Wikimedia. (2025, 3 avril). Rova d’Antananarivo. [en ligne] Consulté le 14 avril 2025, à l’adresse
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rova_d’Antananarivo 

 

Articles de presse : 
•    Floch, F. (2023, 19 juin). Madagascar : le Rova inauguré après vingt-huit années de travaux. Réunion la 1ère. [en ligne] Consulté le 14 avril 2025 à l’adresse
https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/madagascar-le-rova-inaugure-apres-vingt-huit-annees-de-travaux-1407614.html 

Vidéos YouTube : 
•    Le Rova de Madagascar : petite visite, grand héritage, par la chaîne Prospérin Tsialonina | Entrepreneur, mise en ligne le 28 octobre 2023 [en ligne] [visionnée le 14/04/2025]. Disponible sur :
https://youtu.be/ZBZwjHUa20E 
•    Les Rois Tout Puissants De Madagascar, par la chaîne Raphael Leveque, mise en ligne le 21 juillet 2018 [en ligne] [visionné le 14/04/2025]. Disponible sur :
https://youtu.be/4dvAZ7m0yCw 
•    Madagascar : film historique Antananarivo, par la chaîne Air Austral Officiel, mise en ligne le 29 novembre 2016 [en ligne] [visionnée le 14/04/2025]. Disponible sur :
https://youtu.be/1TEQ87Zdkvc 
•    The Place that must be visited in Madagascar – The Rova of Antananarivo, par la chaîne Nuwan Rathnayake, mise en ligne le 16 juillet 2023 [en ligne] [visionnée le 14/04/2025]. Disponible sur :
https://youtu.be/YeuwUseDUW4 
•    Visite du Palais de la Reine à Tananarive, bâtiment historique du 17ème siècle, par la chaîne Réunion la 1ère, mise en ligne le 22 septembre 2023 [en ligne] [visionnée le 14/04/2025]. Disponible sur :
https://youtu.be/jOwqqCpp4jc

 

Crédits images :

1) Photographie du palais de la reine depuis le sud-est du rova. ©Pierre Koval. Disponible sur : https://www.urlaub-auf-madagaskar.com/en/the-palaeste-des-rova-manjakamiadana-in-antananarivo/
2) Photographie personnelle
3) Portrait anonyme du souverain Radama Ier. Auteur et source inconnus. Disponible sur :
https://alchetron.com/Radama-I#radama-i-f646c4b8-5bc8-4f17-b7c8-aa1ef586eae-resize-750.jpeg
4) à 7), photographies personnelles

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