1346 - Bataille de Crécy

Résultat de recherche d'images pour "crécy en ponthieu carte"Le 26 août 1346, deux armées s’affrontent dans le nord de la France, aux abords du village de Crécy, dans la région du Ponthieu. Philippe VI de France y affronte Edouard III d’Angleterre. Il s’agit de l’une des plus grandes défaites de l’histoire de France. Les 30 000 hommes de l’ost royal de Philippe ont été défaits par un corps expéditionnaire anglais de seulement 10 à 15 000 soldats. La chevalerie, fleuron de la France médiévale, a été vaincue par une armée composée majoritairement d’archers paysans, les légendaires archers gallois armés de leur arc long. Crécy représente un point de rupture entre la chevalerie médiévale issue de la féodalité des XIe et XIIe siècles, où le cavalier est l’arme suprême du champ de bataille, et sa transformation vers des unités de cavaliers plus portées sur le soutien à une troupe d’infanterie devenu le cœur de l’armée. C’est aussi le commencement d’une guerre, celle de Cent Ans, qui amène lentement mais sûrement l’Europe occidentale vers une métamorphose matérielle, technique et culturelle. La bataille de Crécy annonce une révolution de l’art de la guerre médiévale et sa transition vers la Renaissance et l’âge de la poudre. Enfin, derrière cette collision entre les puissances, se cache des enjeux politiques au cœur de la guerre de Cent Ans : les revendications anglaises sur la couronne de France qu’Edouard III a héritées de sa mère, Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel de France. Il se considère spolié par le roi actuel, son cousin Philippe VI, issue de la branche cadette des Capétiens, les Valois. Entre conflits politiques et militaires, Crécy résonne dans les esprits du temps et d’aujourd’hui comme un affrontement où s’est joué le destin de la France. La victoire ou la défaite annonce des changements profonds dans la vie des gens de la fin du Moyen Âge dont les héritages se font encore sentir aujourd’hui.

 

 

 

Enluminure de la bataille de crecy dans la chronique de froissart

La succession de la couronne de France et l'arrivée des Valois

Les querelles entre la France et l’Angleterre sont vieilles depuis plus de cent ans au moment de Crécy. En effet, lorsqu’Aliénor d’Aquitaine rompt son mariage avec Louis VII de France en 1152 pour épouser le roi d’Angleterre Henri II, elle emmène avec elle son duché. Le royaume de France est ainsi divisé entre possessions françaises et anglaises. Cependant, depuis la conquête dePortrait edward iii Guillaume de Normandie, l’Angleterre est, de fait, un fief de la France et son roi, un vassal. Sous les règnes de Philippe Auguste (1180 – 1223), de Louis VIII (1223 – 1226) et de Louis IX (ou Saint Louis) (1226 – 1270) la France récupère, au cours de nombreuses campagnes, les terres anglaises : la Normandie, la Bretagne, une partie de l’Auvergne et de l’Aquitaine, ne laissant plus à l'Angleterre, qu’un territoire allant de La Rochelle à la Gascogne et large d’environ 50 kilomètres. Ceci est confirmé par le traité de Paris de 1259, signé entre Louis IX et Henri III.

Malgré quelques tensions, la paix perdure entre les deux royaumes jusqu’au premier quart du XIVe siècle. En 1328, Charles IV, dernier fils de Philippe IV le Bel (1283 – 1314), meurt sans héritier. La dynastie des Capétiens est désormais éteinte en France. Cependant, elle ne l’est pas en Angleterre. En effet, la fille de Philippe, Isabelle, a épousé en 1308 le roi anglais Edouard II, faisant de ce dernier un héritier légitime de Philippe IV. En 1327, Edouard III (portrait ci-contre) succède à son père sur le trône anglais et met en avant ses prétentions sur la couronne de France. Les seigneurs français refusent cependant de donner la couronne à un roi anglais et préfère la préserver auprès d’un seigneur français. Les juristes entrent également en piste en affirmant que selon les lois du royaume, une femme ne peut recevoir ni transmettre l’héritage de son père ou de son mari à ses enfants. Pour appuyer leurs propos, les juristes s’appuient sur une loi qui viendrait de l’époque franque (Ve – IXe siècle), la loi dite Salique. Plus qu’une loi, il s’agit d’un ensemble de textes législatifs interdisant la transmission de la propriété foncière d’un homme à une femme, spécialement réaménagé pour l’occasion. La propriété foncière se transforme en droit de succession de la couronne. En 1358, un moine de l’abbaye de Saint-Denis trouve un extrait d’une loi désignée comme la loi Salique et informe qu’elle serait en vigueur depuis l’époque de Pharamond, un ancêtre mythique de Clovis, qui aurait vécu au IVe ou Ve siècle. Dès lors, les prétentions anglaises sont irrecevables. À la place d’Edouard III, la cour de France porte son choix sur une branche cadette des Capétiens, les Valois, avec à sa tête Philippe (portrait ci-dessous), neveu de Philippe IV. Il est élu puis couronné roi, sous le nom de Philippe VI, en 1328, instaurant ainsi la dynastie des Valois.

Les débuts de la guerre de Cent Ans, les conflits périphériques

Au cours des années 1330 et 1340, plusieurs conflits périphériques impliquent les deux souverains dans des jeux d’alliances qui ne font qu’accroitre les tensions entre eux. En 1329, le roi écossais Robert Bruce meurt et son fils, David II, lui succède. Cependant, l’Ecosse fait partie d’une alliance où se trouve également la Norvège et la France, la « Auld Alliance ». Lors du traité de Paris de 1295, la France et l’Ecosse avaient accepté, dans cette alliance, de se prêter mutuellement main forte en cas de conflit avec l’Angleterre. Cette dernière voit ainsi d’un très mauvais œil cet ennemi du nord et se sent prise au piège. Elle envisage de détrôner le roi David afin d’y mettre un partisan anglais, Edouard Balliol. Une guerre éclate en 1333 et David II d’Ecosse défait lors de la bataille de Halidon Hill, est contraint à l’exil en France, où il est accueilli par le roi Philippe. Edouard III y voit un affront de la part de son voisin et considère désormais la France comme son ennemi malgré la relation suzerain-vassal qui les lie. 483px robert fleury philip vi of franceC’est d’ailleurs l’une des raisons qui pousse Edouard à ouvrir ses portes à Robert d’Artois en 1336. Ce dernier a fui la France où il avait été accusé de meurtre pour avoir empoisonné sa tante lors d’une querelle de succession du duché d’Artois puis condamné à mort. Edouard profite ainsi de l’occasion pour saper l’autorité de Philippe.

Alors que les tensions grandissent et que les seigneurs forment leurs alliances à différents niveaux, Philippe VI ordonne la « commise » de l’Aquitaine en 1337, c’est-à-dire la confiscation des terres du roi d’Angleterre du fait de sa désobéissance par rapport à son serment de vassal. Toutefois, Philippe doit encore réaliser la conquête militaire de l’Aquitaine pour qu’elle soit entièrement à lui. Cette dernière débute en 1339. En représailles, Edouard III prend la mer jusqu’en Flandre où il rassemble une armée. Avec 12 000 hommes, il lance une campagne éclair contre les villes et villages du nord de la France. Il vient d’instaurer le principe de la chevauchée, une force extrêmement mobile, où l’accent est mis sur la cavalerie et les archers pour piller les terres et leurs ressources, assez rapidement pour échapper aux troupes royales et éviter une bataille rangée coûteuse en vies. Aautre particularité, les soldats anglais sont des engagés volontaires le temps de l’expédition. Ils ont signé un contrat, les endentures avant leur traversée de la Manche. La chevauchée de 1339 est rapidement arrêtée et Edouard III reprend la route de la Flandre puis celle de l’Angleterre. Ses pillages lui ont permis d’amasser une belle fortune et a laissé derrière lui une France du nord ravagée. Puis, en 1340, Edouard lance une flotte de 200 navires, financée grâce au butin de l'année précédente, contre la flotte française amarrée dans le port flamand de l’Écluse (ou Sluis). La bataille est terrible et l’armada française, connue comme la plus puissante de l’époque, est défaite par les navires anglais. Philippe VI y perd 16 000 hommes ainsi que des dizaines de vaisseaux de guerre.

En 1341, un nouveau conflit vient opposer indirectement la France et l’Angleterre. Le comte de Bretagne, Jean III de Montfort vient de mourir sans héritier. Une lutte de succession s’organise entre le demi-frère du comte, Jean de Montfort, et sa nièce, Jeanne de Penthièvre. Cette dernière est cependant mariée à Charles de Blois qui se trouve être le neveu de Philippe VI. Charles de Blois a donc le soutien de son oncle et roi. Alors que le parti français commençait à prendre le dessus, Jean de Monfort obtient le soutien anglais. Edouard III en profite même pour lancer une chevauchée sur la région de Rennes afin de profiter du désordre local. Elle est d'une redoutable efficacité, obligeant Philippe à demander la paix pour reconstruire. Une trêve est ainsi signée en 1343, avec pour objectif de garantir la paix pendant une décennie.

Afin d’éviter un affrontement entre les deux puissances, le pape en personne cherche à concilier les souverains. C’est peine perdue. En 1345, Edouard met sur pied une nouvelle chevauchée en Gascogne qui ravage les terres françaises. Philippe lève une armée qui est, malgré une supériorité numérique flagrante, battue à la bataille d’Auberoche en octobre 1345. La tactique anglaise montre ainsi sa supériorité face à une armée française fonctionnant encore sur la levée du ban et de l’arrière-ban, qui consiste à réquisitionner les seigneurs et leurs vassaux avec leur armée personnelle, ce qui est long et coûteux.

La chevauchée de 1346

Enrichi par ses nombreuses chevauchées et victoires militaires, Edouard III a le champ libre pour débuter une plus grande invasion de la France, cette fois depuis la Normandie avec pour objectif la conquête de Paris et la couronne de France. Il rassemble une flotte de plus d’un millier de navires et de 30 à 40 000 hommes, tous engagés sur contrats avec une majorité d’archers, dont des Gallois, armés du célèbre arc long. Le 11 juillet 1346, la flotte prend le large depuis l’île de Wight et arrive, le lendemain, dans le Cotentin. Elle jette l’ancre à Saint-Vaast-la-Hougue, un des rares ports non-fortifiés. Le roi fait débarquer 15 000 hommes afin de constituer l’avant-garde anglaise et sécurise une tête de pont pour le reste de l’armée. Une fois ses soldats reposés, il les envoie dans les campagnes environnantes piller les moulins, les entrepôts, voler ou détruire le bétail, les tonneaux de vins, les sacs de grains, etc. La Normandie est mise à sac sans que le roi de France ne puisse rien faire. L’armée anglaise continue son avancée et arrive à Caen le 26 juillet. La ville est rapidement prise avec la reddition de son seigneur mais elle est, quand même, pillée à son tour. Les hommes, et les femme, sont passés au fil de l’épée. On assiste à des viols, des vols, etc. La ville est mise à feu et à sang. 3 000 personnes seraient ainsi mortes pendant ce massacre qui aurait duré trois jours. Chevauchee d edouard iii en 1346

De son côté, le roi de France, qui a eu vent du débarquement, n’a cependant pas encore les ressources nécessaires pour lancer une force de représailles contre Edouard III. Il part pour Paris et fait lever l’oriflamme (un drapeau) de Saint-Denis, le 22 juillet, sommant ainsi tous les seigneurs de France à venir à Paris avec leur armée de vassaux pour combattre à ses côtés. L’armée royale, l’ost, croît, lentement mais sûrement, en nombre et installe un camp provisoire aux abords de l’abbaye de Saint-Denis et un autre à Amiens. Philippe convoque également ses plus grands seigneurs comme les comtes d’Alençon, de Blois, de Flandre, les ducs de Bourbon et de Lorraine. Il est également soutenu par le roi de Bohême, Jean de Luxembourg, un roi aveugle et âgé, ainsi que par une troupe de mercenaires génois, peut-être 3 000 hommes, commandée par Antonio Doria. Le 25 juillet, le roi de France prend la route de Rouen afin de stopper l’armée anglaise qui semblait se diriger vers le nord pour rallier l’Angleterre. Il arrive à Rouen le 30 juillet puis constate les dégâts dans son royaume. Le temps perdu à rassembler l’ost royal a permis à Edouard de saccager Caen et la Normandie.

Après Caen, le roi d’Angleterre se dirige plein est, vers la Seine, et pille sur son chemin chaque bourg et campagne qu’il rencontre. Le 7 août, il atteint la rive gauche de la Seine en prenant Elbeuf. Cependant, il est stoppé dans son élan par le roi de France qui se trouve à Rouen et qui a organisé une défense tout le long du fleuve. Les ponts sont brulés ou occupés par une garnison. Suivant l’avis de ses conseillers, Edouard remonte la Seine vers Paris afin de trouver un moyen de traverser le fleuve pour rejoindre la région du Ponthieu, ancien territoire de sa mère. Les pillages continuent et le 10 août, l’avant-garde anglaise commandée par le fils du roi, le prince Edouard de Woodstock, aussi appelé le Prince Noir en raison de la couleur de son armure, arrive à Poissy. Une fois arrivé sur place, Edouard III débute l’installation du camp et ordonne à son fils de continuer à piller la région. Pendant ce temps, il se charge de la construction d’un pont tandis que les Français sont occupés à se rassembler à Saint-Denis. Depuis Poissy, Edouard de Woodstock brûle les abbayes, les villes et villages de Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye, Nanterre et bien d’autres. Il n’est alors qu’à une trentaine de kilomètres de Paris.

Le 15 août, le pont de Poissy est réparé et l’armée anglaise part en direction du nord, vers la Somme. Comme à son habitude, elle ravage les campagnes et rançonne tout ce qu’elle trouve sur son chemin. Le 18 août, une troupe de 500 hommes d’armes et de 1 200 archers, emmenée par Geoffroy d’Harcourt, bifurque vers Amiens afin de diviser l’armée française lancée à leur poursuite. La stratégie fonctionne. Le 19, l’avant-garde française arrive à Amiens, suivie par Philippe VI le 22 août. 

Le même jour, les Anglais sont à Airaines, à environ 30 km à l’ouest d’Amiens, et marchent651px eduardo iii cruzando el somme por benjamin west vers la ville d’Abbeville en quête d’un pont sur la Somme. Cependant, ils sont pour la plupart détruits, les quelques restants étant gardés par les Français. Lorsqu’Edouard III revient sur Airaines, il achète les services d’un habitant qui lui indique un lieu de passage. Il le guide jusqu’au point de passage le plus sûr, le gué de Blanquetaque, où le roi arrive au matin du 24 août. Il est accueilli par une armée française d’au moins 6 000 hommes, dont des mercenaires génois, retranchés sur la rive nord. Le chroniqueur Froissart, qui a tendance à accroître les estimations, fait ici grimper le nombre jusqu’à 12 000 hommes. Les deux armées sont à l’embouchure de la Somme au petit matin, mais le fleuve est à marée haute, rendant impossible tout passage. Les deux camps se mettent en position et dès que le niveau de la rivière baisse, la bataille du gué de Blanquetaque commence (représentée ci-contre par Benjamin West). Un féroce combat au corps-à-corps s’enclenche dans la rivière où se rencontrent cavaliers et fantassins. Chaque camp cherche à soutenir les siens avec des volets de flèches, tirés par des arcs longs côté anglais, par des arbalètes côté franco-génois. Poussés par l’urgence de la situation, les Anglais se battent de toutes leurs forces et repoussent les Français. Ils peuvent maintenant traverser la Somme. L’arrière-garde est cependant rattrapée par les soldats du roi de Bohême Jean de Luxembourg qui fait de nombreux morts et capturent une partie du trésor anglais. L’armée française est cependant stoppée par la marée qui remonte. Ceci laisse le temps aux Anglais de poursuivre leur route vers nord.

Afin de maximiser les dommages causés par son armée, Edouard III décide de scinder son armée en trois corps, le corps principal au centre, commandé par le roi, est soutenu à sa gauche par l'armée du Prince Noir et à droite par celle des comtes de Northampton et d'Arundel. Bien que séparés, tous les hommes ont pour consigne de marcher vers le village de Crécy-en-Ponthieu. Une fois sur place le 25 août, le roi commence la construction sur un promontoire d’une place fortifiée avec l’édification de pieux en bois, de tranchées et de trous pour bloquer les charges dévastatrices de la chevalerie française.  Philippe VI arrive alors à Crécy le lendemain en milieu d’après-midi après une marche longue et épuisante pour ses hommes.

La bataille de Crécy

Lorsque les deux armées se font face, la différence est de taille. Les estimations sont difficiles pour les historiens, et les chroniqueurs comme Froissart tendent à surévaluer les forces en présence. Toutefois, les Anglais pouvaient compter sur une armée d’environ 10 000 à 20 000 hommes, 14 000 étant un nombre couramment évoqué. Conformément au principe de la chevauchée, l’armée anglaise comprend surtout des hommes en armures légères. Elle n’a qu’un peu plus de 2 500 hommes d’armes possédant une cotte de maille, des piquiers, une cavalerie légère spécialisée dans le harcèlement et des archers, sans doute un peu plus de 3 000. Plan de bataille de crecyCertaines estimations iraient jusqu’à dire que les archers composaient les ¾ de l’armée. Les quelques chevaliers présents composent la garde rapprochée du roi et du prince ainsi que des autres commandants. Pour la bataille, Edouard III reprend la division de son armée en trois corps (ou batailles). Il place en première ligne ceux des comtes de Northampton et d’Arundel sur le flanc gauche et celui du Prince Edouard sur le franc droit. Chaque corps est secondé par des unités d’archers sur ses flancs, regroupées en bastion. Une unité de canons aurait également été installée sur l’extrémité gauche du dispositif anglais mais cela fait débat entre les historiens. Edouard III commande la dernière bataille, positionnée à l’arrière-garde, derrière celle de son fils.

En face, l’armée française est bien plus nombreuse, peut-être le double des Anglais. Froissart va jusqu’à parler de 100 000 hommes. Elle compte une majorité de chevaliers et de fantassins avec environ 6 à 8 000 archers dont des arbalétriers génois commandés par l’amiral Antonio Doria. Les archers sont placés en première ligne tandis que la cavalerie et les gens de pieds composent les deuxième et troisième lignes. Les cavaliers sont bien évidemment positionnés en avant des simples fantassins. Le roi et sa garde sont à l’arrière-garde. Lorsqu’ils arrivent, il est un peu plus de 15 heures. Les hommes sont fatigués mais les seigneurs sont impatients de lancer l’assaut. Philippe VI a du mal à retenir la fougue de ses chevaliers. Il est environ 18 h lors que son armée est entièrement arrivée et l’impatience des nobles fait céder Philippe qui ordonne l’attaque contre les positions anglaises.

Le combat commence par l’avancée des archers et arbalétriers franco-génois vers les lignes anglaises. Alors qu’ils sont sur le point d’atteindre leurs ennemis, une tempête, brève mais puissante, tombe sur le champ de batailles. Le sol devient boueux, ralentissant la marche des soldats, et les cordes des armes se gorgent d’eau puis se détendent, les rendant inefficaces voire inutilisables. Malgré tout, les hommes continuent d’avancer, avec en tête les arbalétriers génois réputés Defenses anglaises a crecy 1pour leur adresse au tir. Lorsqu’ils sont à portée, ils sont accueillis par des volées de flèches tirées depuis les hauteurs anglaises. Les Français et Génois tombent par dizaines. Leurs armes sont trop abîmées par la pluie pour offrir une réponse à ce déluge et ils ne sont pas protégés de leur bouclier habituel, le pavois, pour s’abriter des tirs car restés dans les bagages du convois qui sont encore en route. Les quelques rescapés s’enfuient de toutes parts et cherchent refuge à l’arrière de leurs lignes.

C’est alors que se produit un autre drame. Les rangs français se mettent à tirer et à charger sur leurs alliés en fuite. Le roi Philippe pensait que les Génois étaient en train de le trahir en se retournant. Il ordonne à sa deuxième ligne d’attaquer les fuyards et de poursuivre jusqu’à l’avant-garde anglaise. Avant de lancer ladite charge, le comte d’Alençon, commandant la seconde ligne aurait crié : « Éliminez donc cette piétaille qui bloque notre chemin ! ». Les chevaliers français, la fine fleur de la cavalerie européenne et symbole absolu de l’art et de la noblesse militaire, se met alors à piétiner ses propres hommes. Lorsqu’ils arrivent aux lignes anglaises, ils sont à leur tour accueillis par les nuées de flèches des archers longs. Les chevaux, fatigués, peinent à amener les cavaliers jusqu’à sa cible. L’utilisation d’armes à poudre, aurait contribué à faire peur à ces derniers et à désarçonner les chevaliers. Quelques survivants parviennent à enfoncer les défenses anglaises mais sont stoppés par les lances et les épées des fantassins. Les chevaliers sont mis à terre et tués. Ceux qui semblent appartenir à une riche famille sont cependant épargnés car leur remise en liberté est alors synonyme d’une importante rançon comme il était de coutume au Moyen Âge.

Le reste de la bataille est beaucoup moins ordonné. Les autres chevaliers français, poussés par leur soif de gloire et d’exploits guerriers, propre à une époque marquée par la littérature Bataille de crecychevaleresque et à une compétition sociale de la grandeur militaire, lancent plusieurs charges successives contre les rangs anglais. Le désordre et le manque de discipline occasionnent de nombreux morts côté français. Les chevaux et les hommes sont tués par les flèches anglaises avant même d’atteindre les défenses. Ceux qui y parviennent doivent faire face aux fantassins anglais qui ont eu le temps de se reposer en les attendant. Les Français parviennent tout de même à fragiliser les premières lignes d’Edouard III, en particulière celles de son fils. Ses forces reculent devant une cavalerie française en surnombre. Edouard de Woodstock, acculé, envoie une lettre à son père lui demandant son aide. Ce dernier refuse, prétextant qu’il doit s’en sortir tout seul, ce qu’il parvient miraculeusement à faire. Lors d’une de ces charges, il y en a près d’une quinzaine, le roi de Bohême entame son attaque contre le flanc droit anglais. Il parvient à déloger les archers anglais et engage un terrible corps-à-corps avec les fantassins du Prince Noir. Malgré sa cécité, Jean de Luxembourg fait preuve d’une grande bravoure au combat et peut compter sur sa garde rapprochée pour protéger ses flancs. Toutefois, débordés et en sous-nombre, le roi de Bohême, ainsi que sa garde et le reste de sa troupe, tombent, transpercés de toute part par les lames anglaises. Vers la fin de journée, les rangs de Philippe VI se font de plus en plus maigres et la nuit commence à tomber. Le roi prend alors la tête de ses dernières troupes, pour l’essentiel des fantassins, et part à l’assaut du centre d’Edouard III. Comme pour les charges précédentes, celle-ci ne parvient pas à enfoncer les rangs adverses. Philippe est même blessé d’une flèche et doit être évacué. Les dernières troupes françaises encore à Crécy quittent le champ de bataille et se dirigent vers Amiens où elles se regroupent. La bataille de Crécy est terminée et vient d’être remportée par les Anglais.

Conclusion et conséquences

Lorsque la nuit tombe, la plaine de Crécy est jonchée de cadavres. La bataille a été terrible pour les Français qui comptabilisent plus de 10 000 morts dont 1 500 chevaliers où figurent des grands noms de la noblesse française comme le duc de Lorraine, le comte d’Alençon, Charles II de Valois, le frère du roi, ainsi que le roi de Bohême, Jean de Luxembourg. Le contingent génois accuse, quant à lui, près de 2 300 pertes. Il a presque été anéanti. Côté anglais, le nombre de morts varient entre 100 et 300. La victoire est nette. La fortification du camp anglais et l’entrainement des archers a eu raison de la cavalerie française.

La perte d’une partie de la noblesse a fortement fragilisé le royaume de Philippe VI car les nobles ont à charge la gestion de leurLes bourgeois de calais territoire : l’administration, la justice et surtout la levée des impôts et des armées. Le royaume est ainsi paralysé. Alors que l’armée de Philippe quitte Crécy, Edouard III prend la route du Nord et se dirige vers Calais, le port le plus proche des côtes anglaises. Il assiège la ville pendant près d’un an. Le 4 août 1347, Calais, épuisée et affamée, dépose les armes. L’événement est rendu célèbre par les chroniqueurs qui racontent que six bourgeois sont sortis des murailles et ont donné les clefs de la ville à Edouard (enluminure ci-contre). Calais devient possession anglaise et une nouvelle tête de pont d’Edouard III pour ses prochaines campagnes. Ce qui ne tarde pas à arriver.

La bataille de Crécy a été l’une des plus grandes défaites de la chevalerie française avec celles de Poitiers (1356) et d’Azincourt (1415). Elle a montré les limites du modèle militaire français qui existait depuis le Xe siècle où le choc de la cavalerie déterminait la bataille. L’armée féodale, celle des seigneurs, est désormais dépassée par une armée plus réduite mais mieux entrainée avec une attention forte apportée aux unités d’archers. Les chevaliers, parés de leurs armures flamboyantes, affirmaient être l'élite guerrière de l'Europe. Ce discours, partagé par tous dans les épopées orales et dans les romans, paraissait une évidence. Cet égo chevaleresque a cependant eu raison d'eux lors de la bataille. Poussés par leur soif de gloire, les chevaliers sont morts les uns après les autres sont faire le moindre progrès, condamnant par la même occasion les Français à une défaite cuisante. Outre-Manche, Crécy a confirmé le choix logistique et tactique d’Edouard III pour la chevauchée. Les archers anglais et gallois deviennent la figure même de l’armée d’Edouard III qui les recrute dans toute l’Angleterre. Ses commandants ont gagné en gloire et en richesses au cœur de cette campagne, en particulier Edouard de Woodstock qui a éprouvé ses talents de chef de guerre et s’avère être un redoutable tacticien.

Victoire chez l’un, défaite chez l’autre, Crécy résonne dans les esprits des hommes et des femmes de chaque côté de la Manche comme un événement marquant le début d’une longue guerre entre Anglais et Français, la guerre de Cent Ans. Cette dernière va embraser les cœurs et les terres de l’Europe occidentale pendant les prochains 116 ans et devenir un chapitre fondateur de l’histoire européenne.

Sources et bibliographie

Ourvrages :

  • BOVE Boris, 1328 - 1453, Le temps de la guerre de Cent Ans, Belin, Paris 2009 (réédition de 2014)
  • CONTAMINE, Philippe. « Les succès d'Édouard III (1338-1360) », Philippe Contamine éd., La guerre de Cent Ans. Presses Universitaires de France, 2010, pp. 22-45
  • DREVILLON Hervé et WIEWORKA Olivier, Histoire militaire de la France, 1. Des Mérovingiens au Second Empire, Perrin, Paris, 2018
  • MORANVILLE Henri. Philippe VI à la bataille de Crécy.. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1889, tome 50. pp. 295-297

Sites internet :

  • Bataille de Crécy (1346) [en ligne] Histoire pour tous, de France et du monde, 26 août 2020 [consulté le 30/07/2021] https://www.histoire-pour-tous.fr/batailles/3709-la-bataille-de-crecy-1346.html

Vidéos YouTube :

  • Battle of Crecy 1346 - Hundred Years' War DOCUMENTARY par la chaîne Kings and Generals, mise en ligne le 7 mars 2021 [en ligne] [visionnée le 30/07/2021]. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=L6fgI51PDrQ

  • Le Déploiement : La bataille de Crécy par la chaîne Sur le Champ, mise en ligne le 28 mai 2018 [en ligne] [visionnée le 30/07/2021]. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=-RvizIt7gEM

 

Crédits photos :

1) Localisation de la ville de Crécy-en-Ponthieu. Disponible sur : https://www.communes.com/plan-crecy-la-chapelle
2) Enluminure représentant la bataille de Crécy dans les Chroniques de Jean Froissart (1369). Source Wikimédia. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Battle_of_crecy_froissart.jpg
3) King Edward III par un artiste inconnu de la fin du XVIe siècle. Source Wikimédia. Disponible sur : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:King_Edward_III_from_NPG.jpg
4) Portrait de Philippe VI de Valois par Jospeh-Nicolas Robert-Fleury en 1837. Source Wikimédia. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Robert-Fleury_-_Philip_VI_of_France.jpg
5) Carte de la chevauchée anglaise de 1346. Source Wikimédia. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Map_of_the_route_of_Edward_III%27s_chevauch%C3%A9e_of_1346.svg
6) Edouard III traversant la Somme par Benjamin West en 1788. Source Wikimédia. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eduardo_III_cruzando_el_Somme,_por_Benjamin_West.jpg
7) Plan de bataille de Crécy. Auteur inconnu. Disponible sur : http://www.maquetland.com/article-2408-1346-bataille-de-crecy
8) Représentation des défenses et archers anglais. Source inconnue. Disponible sur : http://planetejeanjaures.free.fr/histoire/moyen%20age/guerre_cent_ans/bataille_crecy.htm
9) Représentation de la bataille de Crécy. Source inconnue. Disponible sur : https://theatrum-belli.com/histoire-chronique-culturelle-du-26-aout/
10) Enluminure représentant la réddition des bourgeois de Calais dans les Chroniques de Jean Froissart (1369). Source Wikimédia. Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Calais1347.jpg

 

 

Publié par  Adrien RASATA le 28 août 2021

A voir :

  • Tommy Otsuka, Hawkwood (manga)

 

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