Expression : "Le mot de Cambronne"

18 juin 1815, alors que la bataille de Waterloo est pratiquement terminée, Napoléon a fui avec ses généraux, il ne reste plus chez les Français que la Vieille Garde, une division de la Garde impériale, les soldats d’élite de l’empereur chargés de sa protection et commandée par le général Pierre Cambronne (portrait ci-contre), alors blessé par un éclat d’obus à la tête et à terre avec ses hommes. Son adversaire, le général anglais Charles Colville, ordonne la reddition de Cambronne. Ce dernier aurait alors répliqué : « La Garde meurt mais ne se rend pas ». Colville insiste et Cambronne finit par lui répondre « Merde ! ». Les Anglais attaquent les derniers soldats français, alors formés dans un ultime carré de résistance (formation miltaire de l'époque). La Vieille garde est anéantie et Cambronne est fait prisonnier. Quelques Français parviennent quand même à s’enfuir à travers la fumée des mousquets et les corps de leurs camarades tombés.

Quelques jours plus tard, le 24 juin, Michel-Nicolas Balisson de Rougement, journaliste au Journal général de la France retranscrit les mots du général, en omettant « Merde », face à son adversaire anglais. Dès lors, la légende de Cambronne se propage en France.

Une fois rétabli, Cambronne réfute avoir prononcé ces mots, affirmant ne pas pouvoir avoir dit ces mots alors qu’il a fini prisonnier et qu’il s’est manifestement rendu. De plus, Cambronne s’est ensuite marié avec une Anglaise, Mary Osburn, et cela ne serait peut-être pas passé s’il avançait ouvertement son audace faite aux Anglais avec un mot qu’il était discourtois de prononcer.

Si la légende de la Garde se tasse un peu avec le temps, elle ressurgit en 1862 grâce à la plume de Victor Hugo, dans son œuvre Les Misérables. Il relate dans le premier livre Waterloo, la terrible bataille et écrit en toutes lettres, les mots qu’on attribut aujourd’hui à Cambronne. Il met le héros à l’honneur en lui donnant le beau rôle, du brave et valeureux, face aux Anglais, le dernier rempart contre l’ennemi. Il fait également de Cambronne le grand vainqueur de Waterloo et non les généraux ennemis Wellington et Blücher. Plusieurs enquête et procès ont eu lieu ensuite pour connaître la vérité sur les origines de ces expressions mais aucune n’aboutit. Une légende raconte toutefois que Cambronne aurait avoué à son épouse qu’il avait bien prononcé ces mots mais, faute de témoin et de preuve, rien ne peut être affirmé comme véridique.

L’œuvre de Victor Hugo a inspiré plus d’un artiste et en 1936, le dramaturge Sacha Guitry produit une petite pièce comique en un acte appelé Le Mot de Cambronne, en référence, non à son appel à un dernier sacrifice de la Garde, mais à son mot favori : « Merde ! » qui est entré depuis Les Misérables dans le langage courant, au sein du peuple comme de la bourgeoisie.

La légende du général a ensuite traversé les âges et s'est frayée un chemin jusqu'à sa ville natale de Nantes. Il existe aujourd'hui le cours Cambronne, à proximité de son ancienne demeure et où trône une statue en bronze érigée en son honneur en 1848 par le sculpteur Jean-Baptiste Debay, appelé Monument au général Cambronne, avec sur son socle les fameux mots de Waterloo, "La Garde meurt mais ne se rend pas". Le général est également fait grand-officier de la Légion d'honneur en 1831 par le roi Louis-Philippe Ier. Dans le 15e arrondissement de Paris, une rue, un square et un arrêt de métro porte également son nom.

Représentation de Cambronne et de la Garde face au général Colville (source inconnue)

Publié par Adrien RASATA, le 19/05/2022

Ouvrages :

Guilleron G. (2010), Le petit livre des grandes phrases, First Edition, p80

Sites internet :

• La garde meurt, mais ne se rend pas ! (s. d.). Histoire-fr.com. [en ligne] Consulté le 19 mai 2022, à l’adresse https://www.histoire-fr.com/mensonges_histoire_cambronne_garde_meurt.htm
• Le mot de Cambronne. (s. d.). Expression française.fr. [en ligne] Consulté le 19 mai 2022, à l’adresse https://www.expressions-francaises.fr/expression-francaise/13-l/1431-le-mot-de-cambronne.html
• Lamure, P. (2019, 3 avril). Le mot de Cambronne. Savoirs d’Histoire. [en ligne] Consulté le 19 mai 2022, à l’adresse https://savoirsdhistoire.wordpress.com/2017/03/24/le-mot-de-cambronne/

• Wikipedia contributors. (2022, 14 mai). Garde impériale (Premier Empire). Wikipédia. [en ligne] Consulté le 19 mai 2022, à l’adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Garde_impériale_(Premier_Empire)
• Wikipedia contributors. (2022a, avril 23). Les Misérables. Wikipédia. [en ligne] Consulté le 19 mai 2022, à l’adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Misérables#Le_roman
• Wikipedia contributors. (2022a, avril 22). Pierre Cambronne. Wikipédia. [en ligne] Consulté le 19 mai 2022, à l’adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Cambronne

Vidéos YouTube :

• HFF #01 – Le mot de Cambronne, par la chaîne Deglingus Fun History, mise en ligne le 30 décembre 2014 [en ligne] [visionnée le 19/05/2022] Disponible sur : https://youtu.be/VJDF_-JVYCo
• La petite histoire de Pierre Cambronne, par la chaîne Midi en France, mise en ligne le 27 mai 2016 [en ligne] [visionnée le 19/05/2022] Disponible sur : https://youtu.be/XveK_Wyn4q0
• Merde – Karambolage – ARTE, par la chaîne Karambolage en français – ARTE, mise en ligne le 11 mai 2022 [en ligne] [visionnée le 19/05/2022] Disponible sur : https://youtu.be/iChatbX7tgk

Crédits images :

1. Portrait de Pierre Cambronne, auteur inconnu (1815). Disponible sur : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pierre_Cambronne.jpg
2. Représentation de Pierre Cambronne face au général Colville. Source inconnue. Disponible sur : https://www.histoire-fr.com/mensonges_histoire_cambronne_garde_meurt.htm